Ça faisait des années que je voulais partir. Aller découvrir le monde, apprendre à m’adapter à une nouvelle culture, m’installer ailleurs. C’est pour ça que dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai candidaté pour aller étudier à l’étranger. En novembre 2021, le processus est compliqué, l’administration lente. L’entretien arrive. Malgré mon bon niveau d’anglais et ma présentation carrée, on me demande seulement si je me sens de partir en Australie. Ce n’était pas mon plan d’origine, je voulais aller au Canada, aux États-Unis. Pas manqué, le jour des résultats, on m’envoie à Melbourne, à l’autre bout du monde. J’ai instantanément peur: c’est trop loin, je ne connais pas, je me dis que je n’arriverai pas à relever ce défi. Crise de larmes en pleine conférence de M. Cazeneuve, je sors de la salle et laisse le stress m’envahir. J’ai la boule au ventre pendant quelques jours avant de réaliser ma chance d’enfin partir, après tout c’est tout ce que j’ai toujours voulu. Les réunions à Lyon s’enchaînent, étape administrative après étape administrative. Choisir mes cours, refaire mon passeport, organiser mon voyage… J’ai même dû aller à Paris pour donner mes empreintes digitales! Finalement, je dis au revoir à la France en juillet 2022 sans savoir quand je rentrerai.
Je tombe amoureuse de Melbourne juste après avoir atterri en Australie. Avec trente heures de voyage dans les pattes, huit heures de décalage horaire et un froid polaire par rapport à l’été européen, cette première impression aurait pu être catastrophique, mais pour moi ça a été comme un coup de foudre. J’ai découvert la ville en arpentant les rues bondées du CBD, en visitant la magnifique bibliothèque d’État et en allant au marché Victoria pour la fête de l’hiver (en juillet!). On se croirait presque à New York, avec les axes perpendiculaires en damier, les grattes ciels et l’agitation du centre ville. En observant une carte on s’aperçoit qu’il y a plusieurs quartiers: le branché Fitzroy et ses multiples bars et petites boutiques de designers, le plus calme Carlton avec ses petites maisons victoriennes attenantes, ou encore l’excentrique Collingwood aux restaurants innovants. Pour les amateur•trice•s de plage, on retrouve Saint Kilda ou Brighton beach, à trente minutes du CBD en métro ou en tramway. La ville est un patchwork excentrique d’ambiances, d’architectures et de street art. Elle est trouée par des parcs qui aident à respirer dans cette atmosphère parfois suffocante en été, bien que Melbourne soit connue pour sa météo changeante. On dit qu’il peut faire toutes les saisons en une seule journée et je confirme. Bref, je me suis tout de suite sentie chez moi. J’avais l’impression d’appartenir à cet endroit, que j’avais trouvé ma place. Cette impression ne m’a pas quittée depuis.
L’installation est relativement simple quoique pleine de stress. Nouvelle ville, nouvelle vie, je suppose. Il faut que je trouve un logement et comme je veux absolument visiter l’endroit où je vais habiter pour un an, je ne réserve qu’une auberge de jeunesse pour quelques jours à l’arrivée. Au final, j’y resterai trois semaines. La vie est chère à Melbourne. Les appartements sont souvent hors de prix, délabrés ou bien les deux. Je finis par trouver une chambre dans une maison en colocation plutôt bien placée. Le trou dans mon plafond fait baisser le prix de mon loyer. Ça fait une bonne aération. Je le cache avec un drap puis un bout de carton, avant de m’habituer et de l’oublier complément. C’est tout le charme de ma petite maison victorienne, toute cassée mais avec des colocataires qui en prennent soin. La décoration est gérée par ma colocataire Lea, aux nombreux tatouages et cheveux rouges bouclés. Personnage haute en couleur, elle met des plantes partout et brûle de l’encens dès qu’elle est là plus de quelques minutes. La colocation est partagée entre une Française, une Grecque, une Hongroise, une Coréenne et un Australien (sans oublier le chat le plus mignon de la Terre). Melbourne est cosmopolite jusque dans mon foyer.
L’étape suivante après avoir trouvé une maison est de chercher un travail. En effet, le prix de la vie est cher en Australie. En bonne étudiante que je suis, j’aime comparer les prix de la bière en happy hour par pays. Ici, une pinte coûte en moyenne seize dollars, soit douze euros. Yikes. On est loin des sept euros français. Un jour donc, je me pare de mes plus beaux atours (une chemise froissée et un pantalon emprunté à mon amie) et je m’en vais distribuer des CV dans la ville. Je tente ma chance dans les boutiques de luxe de Collins street, puisque c’est un milieu qui m’avait toujours intriguée. Bingo, une enseigne me retient. Ma future boss a lu mon CV et a dit « Get me that girl!« . Je commence 1 mois plus tard à son retour. J’aime mon boulot surtout pour l’équipe en or, l’occasion de parler anglais au quotidien, mais aussi bien sûr pour le salaire. Étudiante, on ne peut pas m’embaucher à temps plein mais avec le statut de casual, qui comporte plus de risques étant donné que l’employeur n’est pas forcé de donner des heures à son employé•e qui n’est là qu’en renfort. On me fait pourtant travailler parfois jusqu’à six jours par semaine, y compris les weekends et les jours fériés qui sont payés double. Je découvre l’autonomie financière, moi qui était restée chez mes parents pour faire ma licence et qui n’avait jusque là pas besoin de travailler plus que quelques heures de babysitting pour financer mes achats. Ici, ça n’aurait pas suffi pour subvenir aux besoins primaires, encore moins pour payer les sorties.
Une année en échange ne serait bien sûr pas possible sans l’université. Je commence les cours en septembre 2022, le temps pour moi de me mettre dans un rythme agréable. Pour le contexte, j’étudie le droit international public en master à Lyon III et je fais mon échange à l’université de Monash. Je choisis donc des cours en lien avec le diplôme lyonnais, ainsi que des matières d’introduction au droit australien. Sans surprise, le système de Common law se révèle bien différent de celui que nous avons en France. Des similarités demeurent et je m’y raccroche tout en ne cessant jamais de confronter ce que j’apprends aux régimes juridiques français que je connais déjà. Cette perspective nouvelle de droit comparé me passionne rapidement. Le système d’apprentissage est aussi différent. Les cours s’apparentant plus à des travaux dirigés qu’il faut donc très bien préparer à l’avance, qu’à des cours magistraux. Les professeur•e•s sont accessibles et professionnel•le•s. Mon bon niveau d’anglais me permet de comprendre la majorité des contenus sans problème mais quand vient l’heure de rédiger des dissertations de plusieurs milliers de mots et des devoirs en temps limité, je bégaye. Je doute et trébuche avant de me rattraper, soutenue par des enseignant•e•s qui croient en moi et qui font preuve d’indulgence devant mes débuts en anglais. Certains se disent même impressionnés par mon niveau, ce qui me rassure beaucoup.
Pour finir, divers voyages ont marqué mon échange. De fait, j’écris cet article depuis Bali, d’où le vol depuis Melbourne n’est que de six heures. Pratique. J’ai aussi pu visiter la Nouvelle-Zélande, ainsi que passer du temps à arpenter l’Australie. De l’opéra de Sydney à la forêt tropicale du Queensland, en passant par les couleurs du Red center, ce pays m’a conquise. Je profite des vacances pour visiter des endroits où je ne serais sans doute jamais allée depuis la France, mais qui méritent qu’on les visite. Les rencontres rythment les voyages et la vie. Mon empreinte carbone est folle, mais je décide de ne plus culpabiliser en me disant que je ferai mieux l’année prochaine. Logique plutôt très faible, mais qui tient le coup depuis quelques mois.
Je suis tombée amoureuse de Melbourne. Pour le moment, je n’ai pas de date de retour. Je n’ai pas envie de partir, même s’il le faudra bien pour finir mon master. Du coup, je pense à la suite. Pourquoi ne pas partir, pour mieux revenir?