Un Grand Spectacle pour Peu Cher
L’espoir d’un blockbuster original, dérivé d’aucune franchise et proposant un lore intéressant ainsi que la preuve d’un grand spectacle trois fois moins cher que les blockbusters actuels mais bien plus soigné, ce sont les objectifs que remplit The Creator, en étant malheureusement vulnérable sur tout le reste !
La réalisation de Gareth Edwards, réalisateur ayant débuté en tant qu’artiste d’effets visuels, ne surprend pas quand on connaît son habileté à gérer gigantisme et monstres avec seulement 500 000$ de budget dans son premier film, Monsters. Là où les séquences de dialogues et « intimes » se résument à des plans serrés au découpage très discutable (mais lisible), les plans larges font la force du réalisateur, sachant définir un effet de profondeur et d’échelle impressionnant tout en maniant avec maîtrise cette poésie de l’image entre décor naturel et structure 3D. (très beau travail du son d’ailleurs)
On sent un monde palpable qui nous donnerait envie d’en voir plus. Ça ne réinvente pas la roue mais offre des mélanges assez intéressants comme ces IA, moines bouddhistes, où l’on mêle technologie à la spiritualité de l’Asie. L’introduction façon archive cyberpunk participe à cet ancrage, nous montrant un résumé clair, net mais aussi terrifiant de notre réalité. La photographie de Greig Fraser, plutôt sobre, réaliste, terre-à-terre (parfois trop à mon sens), participe à cette immersion. Voir des IA policiers, des IA copiant des physiques humains par droit d’auteur, des IA kamikazes, des IA extrémistes et j’en passe, créer un univers riche avec des thématiques intéressantes !
La guerre du Vietnam, bien évidemment, mêlant puissance capitaliste américaine à la soif d’un combat déséquilibré des IA vivant en harmonie en Asie (David contre Goliath), la religion avec la station NOMAD (qui reflète clairement l’envie d’Edwards de récupérer l’Étoile de la Mort de Rogue One) qui représente clairement l’œil de dieu, et toute l’idée de la création ! Un enfant spécial, faisant la transition entre ancien et nouveau testament, conçu par une mère et adopté par un père, ainsi que cette idée du paradis, magnifiquement représenté à la fin du film, le film offre des interprétations du divin pertinentes.
Un scénario « Artificiel »
Les IA font trop prétexte à des thématiques hors-IA (la bêtise des américains), alors que le film prend complètement parti envers eux, dans une ère où l’IA envahit avec inquiétude notre société. N’aurait-il pas été plus ingénieux de complexifier le conflit, de montrer que toutes les IA ne sont pas hostiles, c’est plutôt original oui, mais trop fin pour un film marketé sur ce concept.
Ensuite, et c’est là qu’on repère les défauts de Edwards, sa manière de traiter les personnages est à désirer. Comme pour Rogue One, on retrouve beaucoup la notion de sacrifice, et pourtant, on ne ressent pas grand chose. Les personnages sont corrects, mais on ne dépasse jamais ce stade. De base, je ne suis pas un grand fan de John David Washington, qui je trouve ne partage absolument pas le charisme de son père, Denzel, mais il se donne un peu plus ici, sans être sensationnel (le parcours classique du héros qui n’aime pas les IA et qui va devoir en protéger une). L’enfant est bien interprété, son duo avec Joshua fonctionne plutôt bien, bien que loin des flots de larmes d’un Terminator 2. Les méchants sont très méchants et le film a un rythme trop effréné !
Pour 80 millions de dollars de budget, on enchaîne beaucoup de scènes d’action, peut-être trop, tellement que le film se pose difficilement pour développer ses personnages, et c’est vraiment dommage. Il aurait fallu enlever 2 ou 3 scènes d’action (qui sont très bien foutues et assez violentes malgré tout, le film a une ambiance plutôt sombre sans être dépressif et ça marche) au profit de l’émotion.
Puis, l’histoire dans son concept est intéressante mais dans l’exécution . . . C’est quoi toutes ces facilités scénaristiques ?
D’où des bombes d’autochtones font exploser des tanks blindés de 15 mètres ? D’où la taille des explosions varient entre les scènes alors qu’elles sont déclenchées par les mêmes armes ? D’où les militaires sont si naïfs ? D’où parmi tous les pays occidentaux, seuls les américains en ont quelque chose à faire des IA ? D’où l’enfant est si mal protégé ? D’où le corps de la « créatrice » se porte aussi bien après s’être pris une explosion nucléaire ? Bref, des bases extrêmement fragiles pour une histoire heureusement divertissante.
Puis, c’est Hans Zimmer qui a composé la musique, et, il ne s’est pas foulé.
En résumé, The Creator, c’est la frustration de voir la possibilité d’obtenir un grand film et à la fois le soulagement de voir une proposition de blockbusters inédits à Hollywood avec l’espoir de voir l’essai se réitérer à l’avenir.