Je crois qu’avant d’énoncer des chiffres et de réfléchir ensemble à l’abolition de tout un système, il faut d’abord expliquer ce qu’est la culture du viol.
C’est le mot culture qui est central à la notion détonante, puisqu’il sous-entend une sorte de cadre social et sociétal perpétué, encouragé. Une sorte de vérité préexistante à nos comportements, et que banalement nous reproduisons, par habitude, par inconscience ou par dépit.
Alors la culture du viol, vous l’aurez donc compris, c’est un concept sociologique utilisé pour qualifier tous les comportements et attitudes partagées dans un groupe ou une société, qui perpétuent, invisibilisent, encouragent, provoquent, les violences sexuelles.
Une culture où le standard serait double, les places de victimes et d’agresseurs inversées, les victimes deviennent les suspectes et on trouve des excuses aux agresseurs.
Il est complément logique et normal de trouver l’expression violente, extrêmement violente. Il est en effet, vraiment difficile d’accepter, de concevoir, de comprendre, le fait qu’un ensemble de normes qui nous entourent pourrait nous pousser à commettre de telles choses. Pour les théoriciens du libre arbitre à toute épreuve aussi la notion est compliquée, comment est ce qu’une réalité culturelle pourrait-elle guider nos actes ?
Lonsway, a défini la culture du viol en 1994, comme « attitudes et croyances généralement fausses, mais répandues et persistantes, permettant de nier et de justifier l’agression sexuelle masculine contre les femmes. », et c’est sur cette définition que je vais rebondir en premier, car elle me permettra de trouver facilement des exemples, des causes et des conséquences.
Les fausses croyances : produit brut de la culture du viol
Commençons par quelques chiffres :
– 25% des francais.es considèrent que forcer une personne à faire une fellation n’est pas un viol, mais une agression sexuelle.
– 17 % des français·es estiment que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse n’est pas un viol.
– Plus de 20% estiment qu’il n’y a pas de viol lorsque la personne cède quand on la force.
– 1 Français·e sur 5 juge que lors d’une relation sexuelle, les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées.
– 29 % des Français·es pensent qu’à l’origine d’un viol, il y a souvent un malentendu
– 1 Français·e sur 5 considère que beaucoup de femmes qui disent « non » à une proposition de relation sexuelle veulent en fait dire « oui ».
En plus de leur atrocité, ces chiffres ont une chose en commun : une confrontation à une réalité double. Une réalité différente, qui persiste dans un coin de nos têtes, qui nous ferait nous dire « ce n’est pas si grave », « je crois que non » etc. Ce doute, ces croyances, sont les produits directs d’une culture, qui aurait, depuis toujours invisibilisé, minimiser les violences sexuelles.
Le victim-blaming : illustration et conséquence de la culture du viol
Tout simplement, « la faute sur la victime », c’est tenir responsable la victime pour ce qu’elle a subi. C’est une sorte de double victimisation.
Un des produits de la culture du viol, c’est aussi constamment réfléchir à savoir comment la victime d’une ou plusieurs violences sexuelles aurait pu être coupable ou aurait pu participer d’une quelconque façon au résultat qu’elle a subit.
Quelques chiffres, car il n’y a rien de mieux pour illustrer son propos :
– Pour 27 % des Français·es cela atténue la responsabilité du violeur si la victime portait une « tenue sexy » (mini-jupe, décolleté)
– 4 Français·es sur 10 estiment que si l’on se défend vraiment autant que l’on peut et que l’on crie, on fait le plus souvent fuir le violeur
– 1 Français·e sur 4 considère que si l’on respecte certaines règles simples de précaution on n’a quasiment aucun risque d’être victime de viol
Point commun ? Malgré un coupable : le/la violeur.e, on continue de s’interroger sur le rôle de la victime.
Le victim-blaming c’est donc la réaction des autres au récit d’une violence sexuelle, mais c’est aussi l’intériorisation de ce processus. C’est aussi, en temps que victime, s’interroger sur les mêmes thématiques, car on nous a toujours dit, nous avons toujours entendu, il y a toujours eu cette norme préexistante, cette « culture », de nous rendre coupable d’un acte dont nous avons été victime.
Ce victim-blaming, à mes yeux, est une des plus grandes causes d’un résultat aujourd’hui sans appel : le silence des victimes.
Florilèges d’illustrations visibles de la culture du viol :
– La fréquence : 1 femme sur 6 et 1 homme sur 20 déclarent avoir été violé ou subit une tentative de viol une fois dans sa vie.
– Le nombre de plainte : 10% des victimes portent plainte après avoir été violé ou subit une tentative de viol.
– La réaction de la justice : Pour 100 victimes de viol enregistrées, un peu moins de 7 infractions de ce type condamnées.
Illustrations invisibles de la culture du viol
Ici je ne cherche pas à blâmer, ou à condamner ceux qui se reconnaîtrons, dans les micro-illustrations de la culture du viol que je vais citer. Ce que je constate, ce n’est pas un jugement péjoratif, c’est la normalisation de situations comme celles-ci :
– « Restons en groupe les filles, j’ai peur des mecs de cette soirée. »
– « Fais toujours attention à ton verre en boîte, c’est important. »
– « Ne rentre pas seule et pas trop tard et fais attention sur la route. »
– « Demande à quelqu’un·e de te raccompagner, un mec si possible. »
Ces phrases ne sont pas problématiques dans leur nature, mais plutôt dans l’endroit où elles trouvent leur source : la culture d’une société violente sexuellement et dangereuse pour les femmes (en majorité).
Si l’écoute est la meilleure des remises en question, c’est aussi l’acceptation et l’introspection qui permettra à ce monde d’évoluer. Soyez vigilants, attentifs, compréhensifs, mais aussi encourageants envers les victimes, dénonciateurs envers les coupables. Car comme dans toute culture, même si la norme persiste elle n’est jamais insurmontable et une nouvelle peut lui succéder à coup de changements radicaux ou parsemés sur plusieurs années.