Dans les salles obscures, le nouveau film d’Olivier Dahan, Simone : le voyage du siècle retrace l’épopée de l’immortel Simone Veil. Incarnée par Elsa Zylberstein et Rebecca Marder, des images de cette femme qui s’est éteinte en 2017, viennent nous prendre aux tripes pour en faire ce que le cinéma français a de plus beau à offrir, dévoiler le beau, sans artifices, dans une élégance juste et arriver à faire lever des salles entières pour applaudir aux larmes, un écran inanimé.
Une femme au croisement de tous les contraires
Le génie de ce film repose dans l’exposition de toutes les complexités de la femme du siècle : une femme agnostique, juive par circonstance, une femme de droite, qui porte haut la dignité humaine, une femme politique obsédée par la justice, une femme qui a embrassé l’Europe à bras le corps, simple réponse aux maux du plus odieux des épisodes de l’histoire de l’humanité.
Rappelons-nous que Simone Veil n’est pas une figure du féminisme mais la figure d’un féminisme, il n’est pas un outrage à sa mémoire de se remémorer qu’elle adhérait à un féminisme libéral, destinée aux femmes bourgeoises mais que malgré tout elle a combattu indifféremment pour toutes les femmes lorsqu’elle prononce son discours en faveur de la dépénalisation de l’avortement à l’Assemblée Nationale en 1975. L’époque où elle entonnait « l’internationale » plus jeune (ce qui lui vaudra d’ailleurs 6 mois de prison sous le régime de Vichy) est bien loin lorsqu’on se rappelle qu’en 2007 elle est à la tête du comité de soutien pour l’élection de Nicolas Sarkozy.
Mais qu’importe, qui pourrait aujourd’hui réfuter que cette femme a mis en exergue les plus grands combats de la France ?
Un film historique, miroir de notre époque
Elsa Zylberstein qui incarne l’ancienne présidente du Parlement européen et ministre de la Santé sous Jacques Chirac, énonce une vérité simple : ce film ne traite pas de revendications sociales qui datent du siècle précédent, il traite de la dignité humaine qui est sans cesse remise en cause aujourd’hui. Droit à l’avortement, conditions sanitaires dans les prisons, sort des étrangers, place de la femme en politique, bref tous les combats de Simone Veil ne sont pas obsolètes, ils sont toujours menacés, ici sur le sol européen et dans les supposées grandes démocraties de notre ère.
Lorsque le régime sombre dans un régime autoritaire, les droits des femmes sont toujours les premiers à en pâtir. Voilà une leçon que nous ferions bien de retenir à l’heure où l’Italie et d’autres pays du vieux continent sont de nouveau gouvernés par les idées les plus en opposition avec celle de madame Veil.
Un message crucial : celui de la transmission
« J’ai commencé ma vie dans l’horreur, je la termine dans l’espoir »
Simone Veil a une dernière obsession, elle ne parle même pas de « devoir de mémoire » mais bien de devoir de transmission. Pour elle, on a trop longtemps éludé la question de la Shoah, les années qui ont précédé la guerre furent monopolisées par la reconstruction et les enjeux géopolitiques qui se partageaient entre les États unis et l’URSS. Il est effarant de se rendre compte que le rôle de la France dans la déportation des juifs n’a été reconnu qu’en 2002.
Sont alors dépeintes les images de Simone, avec sa mère et sa sœur, dans le train tentant de se rassurer sur le sort des autres membres de la famille restés au camp de Bobrek. De sa rencontre avec Ginette Kolinka, survivante de la Shoah et figure de la transmission de cette catastrophe. De la mort de sa mère dans les bras de sa sœur alors qu’il ne lui restait à peine que quelques bouts de peau sur une chaire purulente et un squelette fragile qui pouvait sombrer à la moindre bourrasque de vent. De la marche de la mort où on estime le nombre de pertes à environ 20 000. 20 000 cadavres laissés sur la route qui sépare Auschwitz de la partie plus à l’Ouest de l’Allemagne encore nazie.
En fin de compte, un acte politique
Cette pièce d’histoire est donc un rappel. Un rappel qui s’adresse à nous, les enfants du nouveau siècle, les doux enfants de la démocratie. Un rappel de ce qu’est l’autocratie, fléau de l’humanité. Il est le parfait écueil d’une sombre réalité à l’horizon apodictique : il ne tient qu’à nous de faire de cette société le berceau de la paix, le terreau de valeur porteuse de sens et qui s’oppose à ce que nous pouvons nous accorder à mépriser. Gardons en mémoire que le fascisme n’est qu’à un étage en dessous de nos régimes prospères et qu’à la moindre occasion, il empruntera l’échelle de la discorde.
LVG.