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mercredi 24 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Sexisme universitaire à Madrid : la tradition endémique de la misogynie

Une endémie de violence 

Une récente vidéo virale montre des étudiants de Elias Ahuja, l’université masculine de L’Universidad Complutense de Madrid prononcer des propos sexistes envers la résidence des étudiantes de Santa Mónica, l’université féminine de l’Universidad Complutense de Madrid. Dans cette vidéo de trente secondes, toute une résidence composée exclusivement de jeunes hommes tient ces propos : « Putes, sortez de vos terriers comme des lapins, vous êtes des putes nymphos, je vous promets que vous allez toutes (vous faire) baiser. ». 

 Les réactions politiques et universitaires

Cette vidéo fait scandale en Espagne, et partout dans le monde, à une époque où l’on voit émerger partout des mouvements de lutte contre le sexisme et le machisme. D’après certains médias espagnols, il s’agit d’une tradition annuelle des étudiants de Elias Ahuja, toutefois cette tradition semble curieuse.  Quelle est l’utilité d’une tradition dont le but premier est de dénigrer les femmes ? 

L’université a rapidement réagi en excluant l’un des étudiants à l’origine de ce « catcalling » de masse, et d’autres étudiants feraient actuellement l’objet d’une enquête. Par ailleurs, l’université a publié un communiqué dans lequel elle condamne fermement ces actes, qui vont à l’encontre de ses valeurs. Elias Ahuja aurait également mis en place des ateliers et des cours relatifs à l’égalité des genres.  D’autres universités ont également réagi, en disant être « vexées » d’être associées à de telles traditions. 

Les institutions espagnoles ont également réagi. Le parquet de Madrid a annoncé l’ouverture d’une enquête contre ces cris et cantiques machistes. Les partis de droite comme de gauche se sont indignés envers ces comportements déplorables.  A droite, Alberto Núñez Feijóo, le chef du Parti populaire (PP),  a jugé « inadmissible » l’attitude de ces étudiants.  Quant au premier ministre, Pedro Sanchez, il a réagi au travers d’un tweet condamnant cette vidéo, en demandant « la fin du machisme ».

Cette vidéo a également suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux, où les Espagnoles ainsi que les femmes du monde entier se sont soulevées pour exprimer leur indignation et leur désaccord. 

Néanmoins, cet événement grave met en lumière les comportements sexistes qui subsistent encore dans les mentalités, surtout dans les universités. 

Des comportements assez communs 

Si l’Espagne est aujourd’hui une figure de proue en matière de lutte contre les violences sexuelles et conjugales, cette vidéo met en avant que les traditions ont parfois la vie dure. 

La vidéo des étudiants espagnols fait scandale car elle rend public le calvaire parfois vécu par les femmes au sein des campus. Lorsque ces événements sont tus, ou réglés “en interne”, personne n’exprime son désaccord ni son dégoût face à ces comportements. Nombreuses sont les étudiantes qui ont dénoncé des viols ou des comportements sexistes, et les universités s’inscrivent en général dans une logique de non réaction. C’est le  cas d’étudiantes de Sciences Po mais également d’étudiantes de Polytechnique. 

Ces événements, et les mouvements de contestation qui les accompagnent, démontrent l’existence d’un problème bien plus large : la gestion des violences sexuelles au sein des universités. 

Nombreuses sont les jeunes femmes et jeunes hommes qui se plaignent d’avoir été des victimes de violences sexuelles sans pour autant obtenir une réponse des institutions. Ces dernières n’interviennent pas ou n’ont tout simplement pas les moyens pour intervenir. Force est de constater qu’il y a une endémie des violences sexuelles dans les universités, syndrome d’un réel dysfonctionnement. 

Instrumentalisation de la cause féministe à des fins politiques

Ainsi, si la parole des femmes semble se libérer, les mentalités, elles, n’évoluent pas. 

La réaction des politiques espagnols n’a rien d’anodin. La cause des femmes n’est intéressante qu’en période de campagne électorale, lorsqu’elle sert de levier politique pour conquérir une partie de l’électorat. On a pu le constater avec les récentes élections présidentielles françaises, où les droits des femmes ont été instrumentalisés à des buts politiques, et ont constitué un élément de campagne central. 

« Fin des violences conjugales ! Fin de l’inégalité salariale ! » 

Ainsi, les comportements sexistes sont toujours très significatifs aujourd’hui et on ne peut plus expliquer cela par un manque d’éducation. Il s’agit tout simplement d’une volonté conservatrice de rester attaché aux mentalités sexistes et misogynes.  

D’autant plus que cette année marque les cinq ans des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc. 

Ces comportements sont bien plus ancrés dans nos sociétés qu’on ne le pense, et peu s’en indignent. Quand une femme ose lever la voix, on lui rappelle qu’elle exagère, que ce n’est rien si son collège Gérard est « un peu lourd », qu’elle abuse.  

Je ne pense pas que les femmes qui osent parler abusent, je pense juste que notre société n’est pas prête à mettre un terme à ces comportements sexistes et ne souhaite en aucun cas évoluer. La remise en cause constante de la parole des victimes, les accusations et le mépris que subissent les victimes ne sont pas des comportements normaux. Qui sommes-nous pour remettre en cause la parole des victimes ? Personne. 

L’affaire citée n’est que l’une des nombreuses affaires qui mettent en avant le recul qu’observe la société quant aux violences sexistes. Il n’y a pas d’indignation car ces comportements sont minimisés, banalisés. Ils sont acceptés, tout simplement car les personnes visées par ces derniers sont des femmes. Les auteurs de ces comportements ont souvent tendance à justifier leurs abjectes actions par une rhétorique assez courante : il existe également des hommes victimes. Mais cet argument est vide de sens. Lorsque ces hommes osent parler, leur virilité et leur masculinité sont remises en cause. 

L’affaire de ces étudiants n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ils seront protégés et défendus. Cette tradition à réussi à perdurer car les femmes victimes de ces injures minimisent elles-mêmes les agressions qu’elles ont subies. Les victimes de violences sexuelles s’auto-culpabilisent ; c’est l’un des effets de notre société patriarcale et sexiste. 

Et si la société tente parfois d’éduquer tout un chacun sur ces comportements ; le résultat est le même à chaque fois. 

Nous avons tous et toutes une part à faire. Ces comportements doivent être dénoncés, décriés. Il n’est plus question d’éducation ou d’évolution, mais il est question d’accepter que ces violences n’ont plus lieu d’être, qu’elles n’ont plus à exister. 

 

Sources :
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