Petit archipel du Pacifique composé de plusieurs centaines d’îles mais peuplé par à peine plus de 20 000 habitants, les Palaos ressemblent à priori aux autres paradis naturels océaniens. Toutefois, face à une perspective de développement économique restreinte par une géographie peu avantageuse, le pays a décidé de lancer sa.
La résidence numérique : Une innovation à la croisée de la mondialisation et de la digitalisation
Dans un monde où les frontières sont transformées physiquement mais aussi numériquement, de plus en plus d’activités économiques prennent place sur internet et peuvent toucher des millions de clients à l’international. Cette configuration permettant une concurrence plus poussée, de nombreux pays optent pour le dumping, pratique consistant à réduire les contraintes légales, fiscales, environnementales, sociales, bioéthiques ou encore administratives afin d’attirer des investisseurs qui contribueront à l’économie du pays.
Toutefois, certains pays sont allés plus loin en permettant à un individu de bénéficier de leur environnement économique tout en ne résidant pas physiquement dans le pays. C’est le concept de résidence numérique, plus souvent appelé e-résidence. Ce système permet de bénéficier à distance de la flexibilité et parfois de la fiscalité de certains pays. Le plus souvent, une application numérique novatrice évite aux e-résidents des lourdeurs administratives.
En 2014, l’Estonie est le premier pays à proposer une résidence numérique pour les non-résidents. Terre d’innovation d’où provient entre autres Skype, le pays balte a ainsi attiré 100 000 e-résidents qui peuvent ouvrir un compte bancaire et créer des sociétés à distance. L’Azerbaïdjan, la Lituanie, l’Ukraine mais aussi des pays non reconnus comme le Liberland proposent désormais une résidence numérique. Il convient de distinguer l’e-résidence de la nationalité. En effet, un e-résident Estonien ne devient pas Estonien par exemple.
Les Palaos : une nation avant-gardiste aux pieds d’argile
Peuplé depuis environ depuis l’an 1000 avant J.C par les Micronésiens, les Palaos ont été colonisées par l’Espagne, vendues à l’Allemagne avant d’être conquises par le Japon en 1914. Après la Guerre du Pacifique durant la Seconde Guerre Mondiale, ce sont les Américains qui ont administré l’île jusqu’à son indépendance en 1994.
L’archipel disposant d’un patrimoine naturel conséquent, les touristes doivent nécessairement prêter serment de ne pas polluer en entrant sur le territoire tandis que de nombreuses crèmes solaires sont interdites afin de protéger l’environnement. Le pays est l’un des seuls à avoir créé un sanctuaire marin pour protéger les requins. La montée des eaux est aussi une problématique pour le pays.
Comme de nombreuses nations dans le Pacifique, l’économie est assez faible, se reposant essentiellement sur la pêche et le tourisme. En excès, ces deux secteurs causent aussi de nombreux problèmes environnementaux sans oublier que la pandémie de Covid-19 a détruit 30% de l’économie nationale. Alors comme de nombreux pays sans grandes perspectives économiques, les Palaos jouissent d’avantages financiers, avec une certaine originalité.
Une E-Résidence sur une blockchain
Le Président Serangel Whipps Jr est conscient de la fragilité de l’économie palaosienne et avance lui-même que “Digital residency offers a potential diversification of our economy” (“La résidence numérique offre un potentiel de diversification de notre économie”). Contrairement au modèle estonien, le système repose entièrement sur une blockchain.
Lancée en 2023, cette e-résidence coûte environ 250$ par an et permet d’obtenir une carte d’identité à la fois physique mais aussi sous forme de NFT. Grâce à cela, il est possible d’ouvrir un compte dans certaines banques, de souscrire à des prêts, de vérifier l’âge ou encore de passer des vérifications d’identité. Certaines restrictions concernant l’accès à des plateformes d’échanges de crypto-monnaies, comme Binance aux États-Unis, pourraient ainsi être contournées.
Si pour le moment, cette e-résidence se limite à une identité, de nombreux projets sont prévus. En effet, le programme devrait permettre de louer un compteur électrique aux Palaos pour générer des factures, donc des justificatifs de domicile. De plus, un numéro de téléphone local, un compte en banque, une assurance ou encore la possibilité de créer des sociétés sur place sont prévues à l’avenir. Néanmoins, ces avancées utiles cachent tout de même un côté plus douteux.
Des risques potentiels pour les Palaos
En effet, ce projet cache de nombreux problèmes. Premièrement, la Palau’s Financial Institutions Commission estime que la loi instaurant l’e-résidence crée un déséquilibre en faveur de RNS, le partenaire privé gérant ce système. Par ailleurs, celle-ci émet des doutes concernant la rentabilité de ce projet, plutôt considéré comme une maigre compensation des pertes liées au Covid-19.
De plus, le modèle estonien a déjà atteint l’image du pays. En effet, la facilité à créer des sociétés offshores en Estonie a permis de mettre en place aisément des entreprises de blanchiment d’argent ou des escroqueries à base de pyramides de Ponzi. Le journaliste Ongerung Kambes Kesolei estime par exemple que le pays pourrait devenir un paradis pour les arnaqueurs dans le domaine des crypto-monnaies.
Enfin, ce sont des inquiétudes liées à l’évasion fiscale qui émergent. En effet, les Palaos sont placés sur “Liste des pays qui ne coopèrent pas avec l’UE ou n’ont pas pleinement mis en œuvre leurs engagements” sur le plan fiscal. Comme d’autres pays océaniens à l’instar des Samoas ou encore du Vanuatu, les Palaos sont un paradis fiscal.
Ainsi, la mise en place d’une résidence numérique aux Palaos n’est sûrement que le début d’un phénomène nouveau, conséquence et nécessité dans un contexte de mondialisation et de numérisation de l’économie. Au vu de la fragilité économique des Palaos, ce système permet de générer de nouvelles sources de revenus pour l’économie nationale. Cependant, les autorités nationales devront rester vigilantes pour éviter les dérives potentielles de ce système.