Aujourd'hui :

vendredi 13 décembre 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Nice guy, profem ou perpétrateur d’un système misogyne

Le Nice Guy, victime de la cruauté féminine ? 

Qui sont-ils ? 

Fruit d’années de râteaux, le nice guy semble être trop parfait, trop gentil, trop galant, poli, sage, doux et attentionné pour plaire aux filles, trop bêtes pour ne sortir qu’avec des bad boys machos, méchants, et violents. Le nice guy, catégorie bien spéciale, est surtout bien connu des femmes sur internet et dans la vraie vie. Il ne semble présenter aucun défaut, tant qu’il ne révèle pas encore ce qu’il est vraiment : un bon gros misogyne. 

Parfait représentant du #NotAllMen, le nice guy est tellement différent de tous les hommes que vous rencontrerez, que vous devez forcément tomber amoureuse, sans quoi vous pouvez instantanément vous retrouver dans la catégorie des « salopes ». 

Le combat final : le nice guy VS le bad boy

Persuadé que la plupart des hommes sont mauvais, il pense être l’exception avec un grand E. Il nous faut, justement, une exception pour confirmer la règle, et ce sera lui. Le nice guy, victime des femmes, de leur irrationalité, leur cruauté, leur malfaisance, est bel et bien convaincu que tout ce qu’il fait est bon, respectueux et romantique. Il se place en opposition aux hommes que les femmes préfèreraient : les Bad Boys. 

Brisons le mythe de suite, oubliez l’image contrastée entre ces deux archétypes. Parce que vous êtes tous susceptibles, un jour, d’être l’un ou l’autre, de vous comporter, de parler, d’agir, comme l’un ou comme l’autre. Il vaudrait mieux évaluer vos comportements, vos paroles, vos actions indépendamment de l’avis que vous vous faites de vous-mêmes, et de la case dans laquelle vous vous placez. Parce que non, être un mec « sympa » avec les femmes, ne t’épargne pas d’être parfois un connard. 

Tout autant que les femmes n’ont jamais exprimé préférer les hommes méchants, machos, et ce qui s’ensuit, vous avez inventé cette idée pour nous faire passer, encore une fois, pour les responsables de votre célibat ou de votre misère sexuelle.

Gentillesse déguisée sous couvert d’intérêts personnels 

C’est ici que le nœud du problème se situe, lorsque la gentillesse rencontre les intérêts propres des hommes. En effet, cela n’est pas pour rien que monsieur sera le premier à vous complimenter, à être galant, poli, féministe (nous reviendrons sur les Profem plus tard ), bref, impeccable. Leur soi-disant « sympathie » semble, une fois encore, n’être qu’une excuse pour ignorer et franchir les limites. En effet, le nice guy attendra, en retour de son parfait comportement, une récompense, un retour. Et je ne parle pas d’une médaille, mais bel et bien de relations amoureuses, voire sexuelles. On peut notamment parler de la galanterie (qu’ils estiment d’ailleurs morte chez tous les autres hommes, puisqu’ils sont si différents), qui est rarement le fruit du hasard. Elle instaure souvent une relation paternaliste, de domination, de subordination, et finit par donner l’impression que nous leur devons quelque chose, pour les remercier de leur comportement. Il est vrai que, pour eux, appliquer la politesse à tous.tes, semble peut-être trop complexe, et tenir la porte à tout le monde ou payer l’addition sans distinction de la personne que l’on a en face, peut leur sembler peut-être trop progressiste.

Parce que oui, être gentil est le minimum syndical, la base de tout, et les hommes ne devraient aucunement recevoir congratulations, récompenses, applaudissements, compliments, là où les femmes n’auront rien reçu. En effet, le double standard s’applique toujours entre les comportements des hommes face à celui des femmes, qui mériteraient moins de reconnaissance considérant qu’il serait naturel pour les femmes d’être gentilles et agréables, sans quoi elles seraient rapidement considérées comme des harpies. 

On comprend alors que, s’il attend une récompense, il n’est pas foncièrement gentil, mais simplement calculateur. C’est ici que se révèle sa vraie nature : quand on lui dit non. Puisque convaincu qu’il mérite des relations de nature sexuelle ou amoureuse, en échange d’un comportement décent avec les femmes, il ne peut supporter qu’on refuse ses avances, qu’on ne laisse pas notre consentement entre ses mains, lui laissant le contrôle complet de nos envies amoureuses ou sexuelles. 

Il gardera alors toute sa gentillesse pour la prochaine proie, et ne manquera pas d’assaillir sa précédente cible de remarques misogynes. 

Effectivement, « ah, les femmes, toutes les mêmes » fait maintenant partie de ses expressions favorites, tant il est heurté d’être rejeté sans cesse par la gente féminine, sorcières depuis toujours. Le mythe tombe alors : il n’est pas galant avec les femmes, puisqu’une fois éjecté, il se comporte avec elles comme tous les autres hommes. Au moins, eux, ne font pas semblant. 

Alors non, il ne suffira pas de jouer les hommes féministes, déconstruits, et naturellement gentils pour nous faire oublier que tu as rage quit sur ton dernier râteau. 

Le pire du pire, c’est lorsque le nice guy, trop souffrant du comportement des femmes manipulatrices qui ont osé lui dire non, tombera presque instantanément dans la catégorie Incel (“Involuntary celibate”, célibataire involontaire), menant bien souvent à une misogynie et une profonde violence assumée envers les femmes. L’ Incel est souvent défini comme le membre d’une communauté de jeunes hommes qui se considèrent incapables d’attirer les femmes sexuellement ou amoureusement. Il ne s’agirait pas d’une situation intentionnelle mais causée par une société “gynocentrée” (sous domination féminine). Il tombera lui-même dans la faille du patriarcat qui impose l’idée qu’avoir des relations sexuelles est essentiel pour s’épanouir. Et c’est donc sa frustration, qui souvent, le mène à passer à l’acte, lorsque le nice guy ou l’incel devient un criminel ou un violeur. La perpétuation de la violence misogyne et patriarcale sur les femmes est alors amplifiée, suivie, voire adulée. 

C’est notamment le cas d’Elliott Rodgers : après avoir échoué à séduire en étant gentil avec les femmes, puis échoué à devenir un bad boy en rejoignant la communauté des Pick-Up Artists (une communauté d’hommes hétérosexuels qui donnent des conseils en séduction), il a estimé qu’il devait se venger des femmes, et des hommes qui séduisent ces femmes. Le 23 mai 2014, il tue six personnes et en blesse 14 avant de se donner la mort. « Les filles, je vous détruirai, vous le méritez », disait-il dans une vidéo postée la veille de la tuerie. Et c’est là que ça fait peur, très peur. Les attaques de ce type ne peuvent être considérées comme des actes isolés et exceptionnels , mais bien comme la traduction d’une transformation des formes de violences auxquelles les femmes doivent faire face. On dénombrerait aujourd’hui 75 victimes d’attentats anti féministes perpétrés par des hommes revendiqués comme incel depuis 2014. Ils sont nombreux, et lorsque certains sites comme Reddit ont dû fermer des forums d’incels qui faisaient l’apologie des violences sexuelles et des meurtres, certains comptaient jusqu’à 60 000 membres. 

Simple rappel que la misogynie tue, encore et toujours. 

Sylvia Plath, autrice et poétesse américaine, résume finalement bien le problème des nice guy, lorsqu’elle écrit « les femmes ne sont pas des machines dans lesquelles vous mettez des jetons de gentillesse jusqu’à ce que du sexe en retombe ». Alors non, les femmes ne sont pas obligées d’être intéressées parce que tu es sympa. Elles ne te doivent rien. Du tout. 

Ce phénomène de nice guy reprend alors aussi toute une dialectique autour de la friendzone, et de la quasi impossibilité pour les hommes d’envisager des relations avec les femmes sans qu’elles ne soient sexuelles ou amoureuses. Alors spoiler : le friendzoning n’existe pas. 

La friendzone, fruit latent du sexisme

La « friendzone » est un terme popularisé par la série Friends, et décrit une situation dans laquelle on se voit refuser une relation amoureuse ou sexuelle avec une autre personne, pour privilégier une relation amicale. Mais aujourd’hui la « friendzone » n’est plus seulement une histoire d’amour non réciproque, elle est devenue symbole d’une réelle problématique, qui perpétue encore une fois un système misogyne. En effet, ce terme est à 99,99% utilisé à des fins péjoratives, puisqu’on retrouve dans ce terme l’écho d’un échec pour l’homme de ne pas avoir réussi à obtenir une relation sexuelle ou amoureuse. Il n’hésitera d’ailleurs pas à culpabiliser et donner un sens accusateur aux remarques qu’il fera à la femme refusant ses avances. Pourquoi aurait-il mis tous ces efforts à être gentil si ce n’était que pour avoir une amie ? 

L’idée que l’homme serait privé de sa virilité, masculinité et de sa sexualité si une femme refuse ses avances et l’invite simplement à privilégier une relation amicale, renforce la croyance, parfois inconsciente, selon laquelle une hiérarchie s’impose dans les relations entre les femmes et les hommes (on parle ici surtout des relations dans un contexte hétérosexuel). En effet, la relation amicale avec une femme va être positionnée le plus souvent, en deçà d’une relation sexuelle ou amoureuse. Les hommes auraient alors perdu leur temps et leur énergie à s’efforcer d’avoir un comportement décent avec une femme si ce n’était que pour en tirer une amie. Mais messieurs, la réciprocité, peu importe les efforts que vous mettrez dedans, n’est pas une fatalité, une obligation, ou un devoir de notre part. 

Alors non, la « friendzone » n’existe pas, vous êtes juste enfermés dans un mythe dans lequel toutes les relations hommes-femmes sont plus ou moins axées autour d’un spectre sexuel ou amoureux, et il est impossible pour vous de concevoir une relation amicale intéressante avec une femme. 

Certains nice guy sont particulièrement motivés, au point d’enfiler un costume de féministe militant pour parvenir plus facilement à leurs fins. Eux, ce sont les “profem”. 

Les profem, cauchemar militant

On en croise partout, tout le temps, en soirée, en manif, aux réunions des assos féministes, dans nos DM, partout. Ce sont ces hommes qui sous couvert d’un féminisme assumé, vont, à l’image des nice guy, souvent être les plus prédateurs et les plus dangereux. 

Le terme pro féministe n’avait à l’origine aucune connotation négative, bien au contraire. À sa naissance, il désignait un réel soutien des hommes aux luttes et aux combats féministes, et il plaçait les femmes au cœur du mouvement. Mais c’est un ensemble de mauvaises expériences, déceptions de la part des militantes qui a formé une image péjorative de ces hommes, par rapport auxquels les femmes qui militent ressentent de plus en plus de méfiance. 

De prime abord, il semble être le parfait allié, assoiffé d’apprendre, de comprendre, de déconstruire. Pourtant, il n’utilise le féminisme – voire le militantisme à une plus grande échelle – que comme un appât pour séduire, soigner son image, réussir à percer le cœur de ces chères féministes. Il a bien compris que se montrer un minimum sensibles aux droits des femmes lui serait sûrement utile. Ce progressisme de façade, clamé sur tous les toits, a pourtant plus tendance à nous agacer qu’autre chose. Parce que nous ne sommes pas dupes, et au fond on sait que sa priorité n’est pas d’aller lutter. La journaliste Serena Smith a même été jusqu’à inventer un terme pour définir ce comportement : le woke-fishing. 

Une méfiance nait alors à l’égard de ces hommes-là, qui le plus souvent savent très bien comment se fondre dans la masse, à coup de vocabulaire féministe savant et de “storys” dénonciatrices. Et pour cause, on sait que l’on retrouve dans ces profils-là encore une fois, une forme de prédation, même noyée derrière des grands discours de respect. 

Parce que oui, nous trouvons suspects les hommes qui crient partout que ce sont des grands défenseurs de la cause, et nous trouvons suspect que vous soyez tant attachés à montrer que vous ne faites pas partie du problème. Que vous êtes dans le camp des femmes. Que jamais vous ne feriez ça. Que vous n’êtes pas rattachés au système misogyne et patriarcal. Que vous êtes si différents de tous les autres, vous. Oui. On trouve ça suspect. 

Et parce que non, vous n’êtes pas féministes engagés parce que vous vous comportez à peu près décemment auprès de vos mères, vos sœurs, vos copines, vos amies.  En tout cas, « pas plus que vous n’êtes pas un grand humaniste juste parce que vous ne donnez pas de grands coups de pied aux SDF dans la rue », comme l’explique très bien Daisy Letourneur, autrice. Puisque dans les faits, on voit rarement de réelles actions de leur part, grands féministes qu’ils sont. 

Le principe est de toute manière le même, ça n’est pas parce que tu nous assures que tu es plus féministe que ma féministe préférée, que nous te devons affection, amour, sexe. 

De plus, le féminisme performateur des hommes dans l’objectif de séduire ou de plaire, parvient, encore une fois, à ramener la lutte sur un point de vue autocentré et intéressé du militantisme féministe. Et non pas pour la lutte elle-même. On peut d’autant plus trouver parmi les profems ceux qui encourageront plus que tout l’autonomisation des femmes par le sexe, avec un discours basé sur l’affirmation de sa sexualité, la prise de photos dénudées ou l’encouragement à coucher avec qui elles veulent. Et évidemment, les femmes doivent pouvoir faire ce qu’elles veulent. 

Mais dans ce cadre, on sait qu’ils tireront un bénéfice de ces discours, ce qui laissera place à une part de méfiance d’autant plus grande pour les femmes… Promouvoir l’émancipation des femmes par le corps pour son propre intérêt et plaisir, et non au nom de l’égalité, est le cœur même de la problématique ici.

Et ce sont ces comportements pervers qui favorisent de plus en plus la transition vers la non-mixité dans les milieux militants, afin de valoriser et mettre en avant la parole des femmes, dans un monde où les hommes parlent déjà trop à notre place. 

Les hommes devraient ressentir une part de responsabilité dans le fait de défendre et de se battre contre le système misogyne, d’une manière qui va au-delà de la chevalerie, de la gentillesse et des douces attentions, parce que nous n’avons pas besoin de sauveurs mais d’alliés. Et non, ça n’est pas parce que vous n’êtes pas impliqués dans notre destruction, notre élimination, notre mépris, que vous êtes absolument motivés et déchainés pour la cause féministe. Puisque l’important serait de respecter les femmes pour le simple fait qu’elles sont des êtres humains, et non pas pour en tirer des avantages.

Alors, quand nous reprochons à un nice guy, ou un profem, d’avoir utilisé la mauvaise expression, d’avoir fait le mauvais geste, la mauvaise réflexion, ils se vexent pour la plupart. Et surtout, demandent à ce qu’on « ne les associe pas à ça ». ÇA. Il doit surement parler du système qu’il perpétue, non ? 

Parce que jamais, au grand jamais, il n’agresse, jamais il ne discrimine, jamais ne viole, jamais ne frappe, jamais ne manque de respect, jamais ne tue. 

La rapidité à laquelle il est en capacité de tenter de se dédouaner de tout rapport et de toute responsabilité vis-à-vis du système misogyne, prouve bel et bien qu’il cherche à se montrer comme ne faisant pas partie du problème, et qu’il y met l’effort. Alors qu’il ne font souvent que le renforcer. 

Je pense que ça n’est pas parce que tu es un homme activement ou intentionnellement misogyne au quotidien, que tu ne participes pas à la création d’un environnement qui perpétue les forces misogynes et patriarcales. La passivité est une forme de complicité

Sources :
Partager cette publication :
Facebook
Twitter
LinkedIn
Email
WhatsApp