Chère lectrice, cher lecteur,
Avant que vous ne rentriez dans le vif de cet article au titre aguichant je vous l’accorde laissez-moi le contextualiser. Regarder un match de 11h et vouloir l’analyser dans tous les sens possibles n’était qu’une idée prétentieuse en y repensant. Je l’ai regardé de bout en bout, mais la concentration requise pour une analyse complète et sportive s’est estompée au bout de six heures de visionnage. Avec ça la motivation s’est également estompée et après une pause de quelques semaines, le visionnage a repris en portant une attention moindre à l’entièreté des détails sportifs que peu de gens ne remarqueraient réellement. Parce que pour raconter ce match il ne faut pas s’attarder sur l’imperceptible. C’est pourquoi je vous propose de me suivre dans cette description d’un crash test absolument débile : J’ai regardé pour vous le match le plus long de l’histoire du tennis.
Contexte sportif
Cette partie, très courte, va uniquement me permettre de vous poser le cadre. Wimbledon, 2010, premier tour, Nicolas Mahut contre John Isner. C’est dans cette institution du tennis mondial que l’histoire va s’écrire sous nos yeux. L’histoire durera trois jours, tout de même, mais nous y reviendrons ne vous inquiétez pas. Sur le papier, cette affiche n’est pas une grande affiche de premier tour de Grand Chelem, bien que très intéressante pour des fans accomplis de tennis. D’un côté, cocorico ! Nicolas Mahut, notre Français, plus connu pour son immense carrière en double qu’il ne faudrait tout de même pas sous-estimer en adversaire frontal. De l’autre côté, John Isner l’Américain grand par sa taille et par son service (tiens tiens…).
Est-ce que nous pouvions prévoir un match si long à l’époque ? Pas facile mais un premier tour de Grand Chelem réserve souvent des surprises.
11h ? Sérieusement
Avant de raconter le fil du match et mon ressenti personnel sur ce visionnage chronophage et épuisant, je voudrais expliquer à vous chers lecteurs pourquoi ce match a-t-il pu durer autant de temps. Ce facteur aussi simple soit-il s’appelle les règles des tournois du Grand Chelem avant l’apparition des super tie-breaks.
En effet, à l’origine du tennis pour remporter un set il fallait gagner six jeux (toujours le cas aujourd’hui) avec deux jeux d’écarts impératifs. S’il n’y avait pas deux jeux d’écart entre deux joueurs, le set continuait jusqu’à ce que cette condition soit remplie. Progressivement avec le développement du tennis dans le monde contemporain, les instances du tennis se sont mises d’accord pour mettre en place la règle du tie break, une sorte de jeu supplémentaire permettant de départager deux joueurs bloqués au score de 7-7.
Cette règle du tie break a été instaurée pour départager des sets oui, mais pas l’issue du match, grande nuance à prendre en considération. Le set final était donc soumis à la règle antérieure des deux jeux d’écart. En 2010, les règles de Wimbledon suivaient méticuleusement ce schéma.
Maintenant que ces règles sont posées, pourquoi le match a-t-il pu autant durer avec des ties breaks ? La réponse est simple, lors du dernier set les deux hommes n’arrivaient tout simplement pas à se départager car ils gagnent respectivement tout leur jeu de services et perdaient systématiquement leur jeu de retour. Sans super tie break pour les aider, les deux hommes ont été contraints de jouer jusqu’à ce que deux jeux d’écart viennent les départager.
Fil du match + ressenti personnel
Nous entrons enfin dans le vif du sujet. Alors qu’est-ce que ça fait ? Sommes-nous plus impressionnés par cette performance ou lassé par la redondance de cette partie ? Les deux croyez-moi les deux.
Pour être tout à fait honnête les quatre premiers sets se regardent assez simplement pour un fan de tennis comme moi qui n’est pas effrayé par les matchs longs. Les deux joueurs jouent proprement, certaines opportunités sont prises, un premier tour de Wimbledon assez normal.
Le premier constat est que le match s’équilibre avec le temps et que les deux joueurs trouvent leur rythme et se tiennent assez bien l’un l’autre, ce qui justifie deux tiers breaks aux troisièmes et quatrièmes sets. Le deuxième constat (celui-là est effrayant à posteriori) c’est la qualité de service montré par les deux hommes. Ce constat est important car si vous avez bien lu ma partie sur les règles de Wimbledon de l’époque vous comprenez immédiatement pourquoi je suis resté si longtemps devant mon écran.
C’est au début du cinquième set que les choses commencent à se gâter. Tout d’abord le cinquième set a démarré le lendemain pour les joueurs, la partie ayant été reportée à cause du manque de luminosité de cette soirée du 22 juin 2010.
Comment décrire ce cinquième set en tant que spectateur de 2024 n’ayant pas eu les deux coupures journalières ? C’est un peu comme si vous regardiez le même film trois fois d’affilée.
La première fois, vous êtes impressionnés, vous appréciez votre moment. Les 20 à 40 premiers jeux de ce cinquième set sont totalement impressionnants d’un point de vue tennistique. Pas des grands rallyes de coups attention ! Mais une qualité de service ahurissante presque à se demander si les deux joueurs n’ont pas été touchés par la grâce avant d’entrer sur le court.
La deuxième fois, vous commencez à vous demander si c’était vraiment une bonne idée et la troisième vous n’en pouvez carrément plus mais tant que vous y êtes autant en finir. C’est exactement le même ressenti sur la fin de ce match. Outre quelque fait divertissant comme une deuxième interruption journalière ou le tableau des scores qui s’arrêtent de compter les points lors de la dernière journée de jeu, le match continue son déroulé pendant longtemps très longtemps.
Quand tout à coup ça y est on y est, le climax du film, la musique épique sur cette balle de match d’Isner. Nicolas Mahut sert, un échange entre les deux hommes s’initie et Isner profite d’un décalage de Mahut pour envoyer le revers à deux mains le plus épique de sa carrière. Victoire D’Isner : score du dernier set 68 à 70. Monstrueux, incompréhensible et surtout bravo, bravo messieurs !
Et pour moi c’est la fin d’une expérience à moitié inconsciente et représentative du fan que je suis. Mais cette histoire n’est pas la mienne, elle est celle de deux joueurs ayant bataillé pendant plus de onze heures pour seulement passer au deuxième tour de Wimbledon (et avoir une plaque commémorative sympathique à Wimbledon).