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samedi 27 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Vers une nouvelle justice : plaidoyer pour la Justice Restaurative

“Dans la justice restaurative, on considère que l’auteur des faits a non seulement offensé la victime mais aussi cassé des liens fondamentaux avec la société ”, souligne Brice Deymié, aumônier national des prisons pour la Fédération protestante de France. Trois acteurs essentiels apparaissent alors : l’auteur, la victime et la société. Ainsi, la justice restaurative s’érige en gardienne de la cohésion entre ces trois piliers, offrant un horizon de réparation au sein de notre société.

La justice restaurative constitue une révolution dans notre approche de la justice. Imaginez un système où la réparation du préjudice n’est pas seulement une question de punition, mais une quête de réconciliation et de guérison pour toutes les parties impliquées. C’est ce que la justice restaurative offre : une voie vers la rédemption et la compréhension mutuelle.

L’origine de la justice restaurative, également connue sous le nom de justice « réparatrice », trouve ses origines dans des traditions séculaires. En effet, les peuples africains ou bien encore les Maoris en Nouvelle-Zélande avaient recours à cette méthode lorsque des tensions sociales survenaient à la suite d’offenses commises au sein de la communauté. En privilégiant le dialogue et la réparation des préjudices, cette approche avait pour dessein de rétablir l’équilibre et l’unité. 

Après avoir fait ses preuves au Canada, la justice restaurative trouve son avènement en France. Son instauration se fait par la loi n°2014-896 du 15 août 2014 précisée par la circulaire du 17 mars 2017, offrant ainsi de nouvelles perspectives au paysage juridique français. Elle est ensuite codifiée aux articles 10-1 et 707 du Code de procédure pénale ainsi qu’à l’article D 1-1-1 du même Code. Cet encadrement légal lui confère une application légitime et réglementée. 

La justice restaurative est souvent considérée comme un « complément » au procès pénal. Elle offre un cadre de dialogue entre les auteurs d’une infraction et les victimes tous deux concernés par le crime. Ainsi, elle requiert la participation de trois protagonistes distincts : la victime d’une infraction, un auteur ayant reconnu sa culpabilité, et un tiers indépendant spécialement formé.

Contrairement à la vision classique de la justice, où la réparation de la victime se limite principalement à un aspect matériel, la justice restaurative accorde une importance fondamentale à la réparation morale et émotionnelle de la victime. À la suite d’un procès pénal, la victime se retrouve fréquemment confrontée à une période de profonde solitude, où elle doit assimiler la fin du processus judiciaire. Cependant, bien souvent, des interrogations subsistent, des questions non abordées durant le procès demeurent en suspens. Dans ce contexte, la justice restaurative offre à la victime une opportunité de reconstruction et de compréhension.

Du point de vue de l’auteur, l’idée classique selon laquelle c’est la punition qui le dissuade de commettre à nouveau des actes répréhensibles, est ici écartée. La justice restaurative se donne l’ambition d’offrir la possibilité aux auteurs de comprendre eux aussi les victimes dans leurs émotions. Cette empathie peut prévenir la récidive, en favorisant une prise de conscience et une responsabilité personnelle plus profonde.

L’Institut Français pour la Justice Restaurative (IFJR) a été le fer de lance de la promotion de la justice restaurative en France, permettant la sensibilisation et la formation des acteurs du processus. Grâce à son travail, la Justice Restaurative est devenue plus qu’une simple théorie : elle s’est transformée en une pratique réelle et tangible. En effet, des rencontres entre auteurs et victimes ont enfin pu aboutir sur le territoire français. 

Les mécanismes de la justice restaurative offrent deux modalités principales : les médiations restauratives et les rencontres en groupe. Dans les médiations, les auteurs et les victimes sont liés par la même affaire, ils se réunissent afin de dialoguer et trouver des solutions concrètes. Les rencontres en groupe rassemblent des auteurs et des victimes reliés par un même type d’infraction, favorisant ainsi le partage d’expériences et de ressentis. 

Ces rencontres sont le fruit d’un long cheminement. En effet, des entretiens préparatoires sont organisés. Le tiers médiateur s’entretiendra durant plusieurs mois avec la victime comme l’auteur afin de préparer au mieux le bon déroulement de la rencontre, que chacun puisse, dans le respect de l’autre, obtenir des réponses à ses questions, qui chacune sont très particulières. Ces rencontres peuvent avoir lieu dans des salles spécialement réservées au sein du milieu pénitentiaire, mais également dans des lieux neutres soigneusement choisis par les organisateurs de la rencontre. Ainsi, les médiateurs guident les participants et veillent à ce que les interactions se déroulent dans un environnement sûr et respectueux. Le travail en amont est donc particulièrement important et dense. 

Dès lors, les médiateurs qui agissent comme des « facilitateurs » sont spécialement formés. Ces derniers suivent une formation spécifique, comprenant un programme de 120 heures leur permettant d’obtenir un certificat d’animateur et de rencontres restauratrices. 

La justice restaurative n’a pas pour finalité première d’atteindre le pardon. Son ambition réside davantage dans le fait que la parole partagée permette aux victimes de mieux analyser ce qui leur est arrivé tout en encourageant également la compréhension de l’autre partie impliquée.  Elle permet à chacun de se réapproprier son histoire, de donner un sens à son vécu post-infractionnel. Les victimes dans leur démarche initiale sont souvent emprises de colère et d’incompréhension envers les auteurs, cependant, le processus apaise leurs ressentis et leur permet de retrouver une sérénité intérieure par l’échange. Ainsi, chaque processus est unique car adapté à chaque personne afin de comprendre au mieux leurs attentes.  

L’intégration de l’idée de justice restaurative dans les processus de réparation a nécessité du temps car elle remet en question les conceptions établies. Elle implique la rencontre de deux univers normalement séparés par la souffrance causée. Dans le cadre du système judiciaire traditionnel, l’auteur et la victime sont strictement isolés, leurs interactions étant limitées par des mesures de protection. Ainsi, la justice restaurative transcende cette dichotomie en offrant une approche alternative. Ces chemins non conventionnels permettent, malgré leurs répercussions émotionnelles fortes, une vraie avancée pour les victimes comme pour les auteurs.

Les rencontres de justice restaurative sont proposées au bureau d’aide aux victimes, ceci découlant de l’obligation d’information de ce processus. Cependant, toute personne impliquée dans le cadre du procès est en mesure de formuler la possibilité d’avoir recours à la justice restaurative à l’image des magistrats ou encore des avocats. Ainsi,  c’est un droit gratuit pour toute personne concernée par une infraction. Il est également important de noter que les participants ont la possibilité d’arrêter à tout moment s’ils estiment que le processus ne correspond pas à leurs attentes ou s’ils ressentent le besoin de se retirer. 

Concernant l’auteur, la participation à ce processus n’est pas une obligation et cela ne lui rapportera aucun avantage sur le plan pénal. Le juge chargé du dossier ne sera donc pas informé des échanges, ceux-ci restant dans un cadre confidentiel. Ce processus leur permet néanmoins de s’exprimer d’une manière différente, de se sentir écouter et plus encore, de se sentir exister au sein de la société, car trop souvent marginalisés. Ainsi, la justice restaurative est d’une grande aide au niveau de la réinsertion de la personne auteure. On compte en effet un taux de récidive en diminution ainsi qu’un taux de 80 % à 97% de satisfaction selon une étude menée par l’association France victimes. 

La justice restaurative, ayant prouvé son efficacité, se présente comme un complément authentique et respectueux du processus judiciaire classique. La sortie du film « Je verrai toujours vos visages » en 2023, réalisé par Jeanne Herry, a permis un réel essor de la notion et la promotion de cette approche auprès du grand public. Malgré l’engagement croissant en sa faveur, cette initiative demeure principalement portée par le secteur privé. En dépit des multiples initiatives, les pouvoirs publics tardent à intégrer cette nouvelle approche de la justice dans leurs réformes, la reléguant ainsi au second plan et sous-estimant son potentiel. C’est pourquoi les associations privées s’efforcent de réunir des fonds pour financer la formation des professionnels, ceci représentant un investissement conséquent en raison de la nature profondément intime du processus. 

L’association SynerJR présente en Auvergne Rhône-Alpes, se mobilise pour soutenir ces formations et promouvoir la justice restaurative sous toutes ses formes. À ce titre, elle organise elle-même  in fine des rencontres. 

Vous pouvez également contribuer à cette cause en devenant membre adhérent et ainsi participer à la promotion de la justice restaurative, en les contactant via leur site web : https://synerjr.fr/

Sources :
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