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jeudi 25 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Milan Kundera : entre haine et amour du pays

Né à Brno en Moravie en 1929, Milan Kundera est un écrivain tchèque naturalisé français. Il écrit de nombreux romans à succès tels que L’insoutenable légèreté de l’être, L’immortalité, La Lenteur ou encore Risibles amours. En 1975, il décidera alors de s’exiler en France où il en recevra la nationalité. La plupart des œuvres et écrits de Kundera sont grandement influencés par la situation politique qu’a pu subir la République Tchèque.

Entre la domination autrichienne jusqu’au début du XXe siècle entraînant une germanisation de la société, en passant par une industrialisation massive au profit de l’Empire austro-hongrois, le démantèlement d’une partie de la Tchécoslovaquie lors de la Seconde Guerre mondiale ou encore l’arrivée du communisme créent un fossé entre Tchèques et Slovaques. Kundera va souvent dénoncer les conséquences du communisme, qui pousse son pays à l’agonie. 

À travers ses romans il est possible de distinguer ce que vivent les Tchèques et plus généralement l’Europe de l’Est. Dans son livre L’ignorance, publié en 2000, il raconte le temps du printemps de Prague, considéré comme une période prospère caractérisée par une tentative de libéralisation du socialisme. L’histoire se déroule à travers les yeux d’Irena et Josef qui, à la suite de l’effondrement de ce projet, décident de fuir le pays. À leur retour, 20 ans plus tard, Kundera illustre ce que nous pouvons appeler le syndrome d’Ulysse. Ce syndrome caractérise le stress et la dépression qu’endurent les émigrants à leur arrivée dans un pays dont ils ne connaissent rien et qui semble hostile. Les émigrants sont ainsi perdus dans un pays dont ils ne connaissent rien mais à leur retour dans leur pays d’origine, ils ne s’y retrouvent plus non plus du fait d’un éloignement trop important. C’est ce phénomène, qui comme le traduit Kundera dans son livre, affecte les migrants de l’Est, victimes du socialisme. Néanmoins, le syndrome d’Ulysse n’affecte pas tous les types de migrations. En effet, il intervient lorsque les conditions dans lesquelles la migration se produit ne sont pas contrôlées par les personnes concernées, à savoir guerre, coup d’Etat, totalitarisme, etc. De nombreux tabous se dégagent de ce syndrome tels que la distanciation avec la patrie ou encore l’oubli de la langue maternelle, considéré comme l’ultime frontière par Kundera. Mais ce syndrome ne dure qu’un temps. En effet, cet exil finit par être libérateur comme l’exprimait Kundera dans un article paru dans Le Monde en 1994 : « Notre moitié du siècle, écrivait-il (de la Seconde Guerre mondiale à la chute du mur de Berlin), a rendu tout le monde extrêmement sensible au destin des gens interdits dans leur pays. Cette sensibilité compatissante a embrumé le problème de l’exil d’un moralisme larmoyant et a occulté le caractère concret de la vie de l’exilé qui a su souvent transformer son bannissement en un départ libérateur vers un ailleurs, inconnu par définition, et ouvert à toutes les possibilités. ». Une déclaration qui peut sembler réduire l’aspect dramatique du roman et ainsi décevoir le public, mais celle-ci réaffirme aussi l’homme libre qu’est Milan Kundera. 

Ainsi ses écrits permettent de comprendre que Milan Kundera n’entretient pas une relation saine avec son pays, entre l’amour qu’il y porte et la haine qui se traduit de ses écrits, de son émigration en France mais aussi de sa perte de nationalité tchèque en 1979 à la suite de la publication d’extraits du Livre du rire et de l’oubli dans Le Nouvel Observateur, puis d’un entretien au journal Le Monde. 

Sources :
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