Il y a un peu plus d’un mois, à l’heure où j’écris ces lignes, sortait le nouvel album de Lomepal. Sobrement intitulé « Mauvais ordre », ce dernier marque une nouvelle étape dans la carrière de l’artiste.
Une absence remarquée
Après le succès de Flip et l’incroyable raz de marée provoqué par Jeanine, Lomepal décide de s’absenter médiatiquement. Une absence qui va durer pas moins de 2 ans. L’artiste va en effet faire un burn out qui va le pousser à disparaître pour pouvoir se remettre en question. Lomepal va alors d’une part consulter une psy et d’autre part disparaître des réseaux. Une initiative plutôt radicale que l’artiste explique dans une interview accordée à society : «Je trouvais Instagram de plus en plus pathétique. Je me trouvais ridicule sur les réseaux, je n’étais pas fier de moi. Je suis un grand fan des Beatles par exemple, mais si l’on avait pu voir des stories de John Lennon, ça aurait niqué le mythe, ça aurait été trop nul. Je n’ai pas envie de savoir ce qu’il se passe chez mon artiste préféré ou ce qu’il mange au déjeuner.»
Un processus de création fastidieux
La confection de cet album s’est étendue sur 2 années durant lesquelles Lomepal a réuni plusieurs collaborateurs et amis ayant travaillé sur ses précédents albums avec une nouvelle vision. Le processus de création s’est donc étendu sur une longue période et sur 3 endroits différents : le sud de la France où l’artiste a rejoint plusieurs collaborateurs et amis dans une villa pour faire de la musique ; ce qui n’est pas sans rappeler la villa Nellcote, lieu où les Rolling Stones ont enregistré le double album Exile on Main Street, le Costa Rica et un studio à Paris où le tout sera retravaillé pour créer et finaliser l’album. Un processus assez chaotique mais qui a été très bénéfique pour cristalliser la vision de Lomepal notamment sur le morceau éponyme et introductif de l’album mauvais ordre : « un morceau déclic c’était un peu chaotique mais dans le chaos il y a quelque chose qui se crée.»
La recherche d’une musique plus organique
La musicalité de ce projet est marquée par la volonté de s’éloigner le plus possible de l’analogique et des effets numériques. Ce qui est un rejet de ces anciens disques qui se rapprochaient beaucoup de la musique électronique. Ainsi, bien que par moment certains éléments analogiques sont utilisés, l’ensemble du disque est produit quasi exclusivement avec des instruments live (guitare, basse, batterie, piano etc.). Musicalement, l’album effectue un virage d’autant plus instrumental et acoustique. «Il y a beaucoup de sons ou aucun effet n’est appliqué, comme pour la batterie qui est souvent telle qu’elle a été enregistrée, certifie Lomepal. Alors que sur mes autres albums, on jouait à fond avec l’autotune, la reverb, le flanger.» En outre, cette importance accordée à l’authenticité des sonorités transparaît aussi dans la voix du chanteur. «Comme il y a moins d’effets sur les voix, il est plus assumé et incarné dans le chant par rapport aux autres, où on pouvait peut-être dire que je chantonnais.»
Des inspirations multiples
De nombreuses inspirations ont guidé Lomepal sur ce nouvel album. Si par le passé ses inspirations se rapprochaient énormément du rap en ayant une certaine touche de variété ou de rock, aujourd’hui c’est l’inverse qui se produit. Lomepal s’inspire énormément d’artistes rock ou de variété française. Si certaines chansons comme 50°, Etna ou Prends ce que tu veux chez moi gardent des racines rap dans l’interprétation, la plupart des chansons de ce projet se rapprochent du rock acoustique et de la variété. On peut citer par exemple Decrescendo, qui se rapproche énormément de la variété française et qui est notamment inspiré par une chanson de Nicoletta intitulée « Il est mort le soleil » l’artiste ira jusqu’à faire une référence au titre de cette chanson dans decrescendo. On a Pour de faux qui ressemble à une chanson qui aurait pu figurer sur l’album Imagine de John Lennon. Quant aux chansons Skit lost memo et Hasarder par exemple, on ressent l’aura de Julian Cassablancas et des Strokes dans des chansons comme Heart in a cage et I’ll try anything once. On a également énormément d’inspirations du cinéma. Par exemple, la cover de l’album qui cristallise le projet est largement inspiré du Truman show notamment une scène dans laquelle le personnage joué par Jim Carrey se retrouve devant un grand mur en carton-pâte représentant le ciel de son univers. On peut aussi retenir Vanilla sky qui a inspiré la chanson Le miel et le vinaigre notamment une des scènes du film dans laquelle le personnage joué par Tom Cruise vole la fille qui plaisait à son meilleur ami et ce dernier finira par rentrer chez lui seul mais avant de partir il lui dira ceci : «Tu ne connaîtras jamais l’exquise souffrance du type qui rentre seul chez lui car sans le vinaigre mon grand le miel n’est pas le miel. »
Une histoire mêlant autobiographie et fiction
Si la musicalité et l’interprétation s’éloignent de ce que faisait Lomepal par le passé, c’est également le cas du sujet de l’album. En effet l’artiste a voulu dans ce projet raconter une fiction, l’histoire d’un personnage, d’un jeune homme maladroit, solitaire et perdu qui apprécie la solitude plus que le contact social. Mais il reste guidé par un amour fantasmé et flou. On retrouve ainsi ce personnage dans différentes situations tout au long de l’album. Ce personnage va au fur et à mesure vouloir se battre contre l’ordre du monde ne se sentant pas à l’aise avec ce dernier et estimant que le monde fonctionne à l’envers. L’album se conclut finalement par une prise de conscience dans Pour de faux qui est d’ailleurs le seul morceau qui parle de la vie de Lomepal. Ce dernier va réaliser que c’est cet ordre qui lui a permis de rencontrer la femme qu’il aime : finalement il l’accepte. Il n’y a pas de mauvais ordre simplement un ordre que l’on n’est pas encore parvenu à accepter. Cependant bien que ce soit en grande partie une fiction, l’album est teinté d’émotions et de sentiments inhérents à Lomepal puisqu’il a été cette personne solitaire par le passé. On peut l’entendre sur un de ses premiers projets mauvaise perle dans la chanson Je sors pas lorsqu’il dit « faudrait que je reparte à zéro que je sorte de ce lieu sale et glauque mais orgueilleux je me porte mieux seul à l’écart des autres.» Ainsi bien que le projet soit différent dans son approche lyricale et musicale cette fiction est teintée d’émotions et de sentiments qui appartiennent ou qui appartenaient à Lomepal et c’est ce qui fait de cet album un concept assez unique dans son genre.
En conclusion, Lomepal nous livre ici un projet totalement différent de ce qu’il a pu faire par le passé musicalement et lyricalement mais ce changement de direction, aussi radical soit il, n’est pas effectué sans un coup d’œil vers le passé. Certains fans de la première heure seront déçus de l’approche musicale s’éloignant de plus en plus du rap mais en réalité cela fait longtemps que Lomepal ne fait plus réellement de rap. Le rap est devenu un outil pour lui qui sert son art et qui lui permet de toucher à tous les genres. Cet album réussit parfaitement son pari en proposant une approche nouvelle mais inhérente à Lomepal. Certains lui reprocheront peut être d’avoir trop changé mais comme disait George Harrison ancien guitariste des Beatles « On dit que je suis le Beatle à avoir le plus changé mais pour moi c’est ça le but de la vie : changer. »
Ci- dessus la pochette de Mauvais ordre qui montre Lomepal semblant regarder un large écran sur lequel est affiché un portrait de sa conjointe au moment de la sortie de l’album, l’actrice Souheila Yacoub.