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vendredi 26 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Les prémices de l’art chrétien dans le monde funéraire

« Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. » (Exode, 20:4) 

Ce commandement chrétien se trouve dans l’Ancien Testament de la Bible dans le livre de l’Exode, et vise à diriger les chrétiens dans l’exercice de leur foi. Pourtant, s’il est bien connu de tous, cette affirmation peut paraître paradoxale au regard de la large création d’œuvres chrétiennes ayant marqué les siècles. En effet, cette instruction vise à condamner l’idolâtrie et les pratiques qui en découleraient, laissant alors place aux représentations et au caractère figuratif des œuvres. 

Les prémices de l’art chrétien apparaissent au IIIe siècle et seront légitimées par les écrits de Clément d’Alexandrie qui autorisera les chrétiens à inscrire des images, devant valoir pour tous, et avec une symbolique reconnaissable. Par cette autorisation, des clés de lecture de cet art se développeront et seront retrouvées dans la représentation de certains symboles. 

Le ichthus (connu sous le visuel d’un poisson) est un symbole extrêmement présent dans les débuts de l’art chrétien, utilisé en signe de reconnaissance, puisqu’il représente le Sauveur. En effet, l’acronyme de Ichthus signifie « Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur », et sera alors retrouvé dans sa symbolique visuelle, mais aussi dans l’utilisation de son acronyme. 

Le Chrisme est également un symbole du début de la représentation chrétienne, et correspond à l’entrecroisement des initiales grecques de Jésus-Christ (I et X). 

L’ancre est enfin l’un des derniers symboles du christianisme primitif du fait de sa forme en croix, et sera le symbole, dans le texte biblique, de la fermeté de la foi. 

Si un art tend à se développer dans la religion chrétienne, celui-ci se développera dans un premier temps dans le monde des morts. En effet, la fin de la vie est considérée comme un bon moment pour exprimer de profondes convictions religieuses. Ainsi, lors du développement de l’inhumation comme méthode de conservation de l’âme chrétienne, cet art s’affirmera dans les galeries et catacombes enfermant les défunts. 

Les catacombes de Rome sont parmi les plus anciennes, apparaissant au IIe siècle, et seront un lieu d’inhumation jusqu’au Ve siècle, avant de devenir un lieu de culte informel des corps des personnes saintes. 

Au IIIe siècle, l’art chrétien n’apparaît que comme une branche artistique de l’Antiquité, qui récupérera des thèmes de l’iconographie funéraire classique, auxquelles certaines connotations vont être rajoutées. 

La représentation de l’orante est alors classique dans les catacombes. L’orante représente une personne en position de prière, les mains vers le ciel, et représente dans les catacombes, la piété du défunt, essentielle pour recevoir la clémence du Seigneur. 

Le Bon pasteur représente également un incontournable des arts funéraires, souvent représenté comme un berger portant une brebis, étant récupéré par les chrétiens du fait de sa présence dans l’Evangile selon Jean. Il est fait allusion au Bon pasteur en rapport avec l’une des missions du Christ envers les hommes, étant celui de guide, ayant vocation à rassembler les hommes, et à les rechercher, d’où l’image de la brebis égarée. 

Les iconographies autrement retrouvées seront celles liées aux récits bibliques, comme par exemple le miracle des trois hébreux dans la fournaise, ces représentations étant bien choisies et en lien avec le contexte historique. En effet, à cette époque la persécution des chrétiens est encore de rigueur et le choix de cette scène biblique renvoie au fait de ne pas renier sa foi, même dans l’adversité. 

On retrouve également des épisodes de la vie du prophète Jonas qui survit après avoir été englouti durant trois jours dans le ventre d’une baleine. Ce récit peut alors faire écho à une possible victoire sur la mort, et notamment l’Evangile selon Matthieu qui réalisera un parallèle entre les trois jours passés dans la baleine par Jonas, en comparaison au miracle de la Résurrection du Christ, étant le fondement même du triomphe de la vie sur la mort, ayant tout à fait sa place dans des catacombes. 

Le miracle de la résurrection de Lazare est également beaucoup retrouvé. 

On remarque alors dans la représentation de ces différentes scènes, l’obsession des premiers temps chrétiens de faire coïncider le Nouveau et l’Ancien testament, le Nouveau permettant de révéler les sens cachés de l’Ancien. 

Ces premiers temps marquent également la difficulté de la conception de l’image, du fait d’un récit biblique pauvre en détails physiques, laissant aux différents artistes la liberté de la physionomie des différents personnages et des propositions d’ensemble. Si aujourd’hui la physionomie du Christ est ancrée chez tous les fidèles, et plus largement chez beaucoup d’entre nous, il était représenté à l’époque avec une sorte de baguette magique afin de signifier les épisodes de miracles. Cette baguette est en effet largement retrouvée dans la période paléochrétienne. 

Si l’art chrétien figure sur les parois des catacombes, il est aussi présent sur les sarcophages, mais souvent réservé aux couches supérieures, et aux élites de la communauté.
Le sarcophage de Santa Maria Antica représentera des épisodes de la vie de Jonas, la figure du Bon pasteur et encore d’autres épisodes comme le baptême du Christ plongé dans les eaux du Jourdain, avec la présence de la colombe du Saint-Esprit, un personnage lisant, symbolisant l’intellectuel étant un atout majeur pour obtenir la bienveillance divine. On remarque néanmoins qu’il n’existe pour le moment aucune logique narrative dans ces représentations et aucune appropriation de style particulière puisque les figures sont représentées de manière classique pour l’époque. L’accumulation des scènes vise alors à renforcer la légitimité de l’appui divin à la personne défunte, ce sont des « images signes », qui laisseront progressivement place à la narration, comme dans le sarcophage de Maria Romania Celsa. 

Si le développement des prémices de l’art chrétien est visible dans le monde funéraire, celui-ci se développe ainsi puisque la religion n’est pas reconnue dans l’Empire romain de l’époque. Néanmoins, lorsque l’Empereur Constantin se montrera favorable au christianisme et se convertira, un nouvel essor sera lancé : celui du développement d’un lieu de culte avec la mise en place des basiliques, offrant alors un nouvel élan à cet art. 

Sources :

S. FUSSEL, C. GASTGEBER, A. FINGERMAGEL, « Le livre des Bibles », Taschen, 2016

T. CREISSEN, « Art des premiers chrétiens et art byzantin », Cour d’initiation à l’Histoire générale de l’Art, Ecole du Louvre

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