Comme chaque année, à l’approche de l’élection Miss France, l’évènement fait débat. À l’aube de sa 96e édition, ce concours autrefois appelé « la plus belle femme de France » est le plus vieux concours de beauté du monde encore existant. Cette année plus que jamais, les féministes en ont assez de cette tradition qu’elles jugent sexiste, rétrograde voire archaïque et ont décidé d’élever le combat en le portant devant les Prud’hommes.
Simple concours de beauté ou homologation d’une perpétuelle mise en concurrence physique des femmes, l’élection Miss France vit-elle ses dernières heures de gloire ?
Miss France, « complètement has been » ?
Le 21 octobre 2021, Elisabeth Moreno, ministre déléguée de l’égalité femmes-hommes a dénoncé les règles « complètement has been » d’une élection qui fait pourtant partie intégrante des traditions françaises. Jugées sur leur physique, les Miss sont soumises à des règles très strictes considérées pour beaucoup comme totalement ringardes et obsolètes. Interdiction d’avoir eu recours à la chirurgie plastique, d’avoir posé partiellement ou totalement dénudées, d’avoir des tatouages ou piercings apparents, obligation de mesurer plus d’un mètre 70, d’être célibataire et sans enfant… Elles ne peuvent enfin – et c’est là que le débat fait rage – être mariées, pacsées, divorcées ou veuves. Le « Rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France » qualifie même le concours de « caricature archaïque ». S’en est assez pour l’association Osez le féminisme !. Protestant chaque année contre les valeurs sexistes véhiculées par le concours, elle a décidé de frapper plus fort en saisissant les Prud’hommes. Pour elle, la participation au concours revient à livrer une prestation de travail nécessitant un contrat ce qui n’est aujourd’hui pas le cas car cette participation relève du bénévolat. L’existence d’un contrat rendrait ainsi discriminatoire le règlement imposé aux candidates. À titre de comparaison, le concours Mister France bénéficie, et ce depuis 2013, de ce statut de relation contractuelle. Les requérantes au procès affirment que la production « utilise des femmes pour fabriquer un programme audiovisuel extrêmement lucratif en bafouant le droit du travail ».
Vers une modernisation hypocrite du concours
La volonté de moderniser le concours en sortant de l’image purement plastique de la femme est notable mais le principe demeure la mise en concurrence de la beauté. Prendre en compte les qualités intellectuelles ou le talent des jeunes femmes reviendrait à créer un concours d’une nature totalement différente. Plusieurs collectifs féministes soulèvent le fait qu’en avançant une image de la « femme parfaite », « objet de tous les désirs », sublimement maquillée, habillée et coiffée, on entretient une conception stéréotypée et misogyne de la féminité. Ainsi, « l’opium des femmes, c’est toujours la beauté et la séduction ». Étant plus de sept millions de fidèles devant leur poste chaque année, les Français ne semblent pas prêts à renoncer à cette tradition. Le succès de l’élection éclaire donc l’évolution du regard porté sur les questions de sexisme dans l’ensemble de la société. Malgré la dénonciation d’un patriarcat systémique suite notamment au mouvement #MeToo, seule une minorité de la population perçoit le paradoxe du maintien de ce concours de beauté avec l’avancée du combat féministe. Pour beaucoup, la meilleure façon de moderniser le concours serait de le supprimer.
Le devenir de miss France : un concours inclusif ?
Suite aux nombreuses polémiques, Sylvie Tellier, Directrice Générale de la société Miss France est finalement sortie du silence en affirmant être elle-même féministe et promouvoir un concours libérateur et émancipateur pour les jeunes femmes. « Que les féministes nous laissent libres de nos choix », déclare-t-elle quelque peu agacée. N’en déplaise, ce concours reste un choix personnel et le titre est en fait bien plus qu’une couronne. Être Miss France c’est non seulement être ambassadrice de la beauté française mais aussi de la culture et du rayonnement du pays. Le concours évoluera avec le temps, et peut-être qu’un jour la France imitera sa voisine l’Espagne en élisant une Miss transgenre. En diversifiant les profils et les physiques, le concours peut toucher un public plus large et cesser d’être une source de complexes. Son potentiel n’est donc pas négligeable, reste encore qu’il s’adapte réellement à l’image de la femme du XXIème siècle. Une femme qui n’a pas besoin de rentrer dans une case pour être la femme qu’elle aspire à être.