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mercredi 16 octobre 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Le siècle des extrêmes, focus sur les élections présidentielles de 2022

Après des mois de campagne présidentielle, tantôt discrète, tantôt tumultueuse, le paysage politique de l’offre présidentielle se dessine enfin sous nos yeux. Deux constats émergent des sondages d’intention de vote, un mois avant le premier tour de la compétition politique. Le premier constat tend à montrer que les Français sont prêts à offrir un nouveau mandat au Président de la République Emmanuel Macron qui prend la première place avec 30 % environ d’intentions de vote. Le second constat révèle la chute libre des partis traditionnels face à l’envolée des candidats des franges extrêmes de l’échiquier politique. 

Sur le podium du sondage d’IFOP, se trouve en deuxième position la candidate du Rassemblement national Marine le Pen, suivie d’Eric Zemmour, du parti Reconquête. Les candidats d’extrême gauche ont quant à eux plus de difficultés à se frayer un chemin vers la victoire, à l’exception de Jean Luc Mélenchon de La France insoumise, qui se situe seulement un point derrière Zemmour. Bien loin du schéma classique des élections présidentielles légué par le XXe siècle, les partis « modérés », de gauche et de droite s’effacent derrière les partis populistes qui séduisent de plus en plus le peuple français. Représenté par Valérie Pécresse, le parti Les Républicains peine en effet à maintenir sa place derrière les deux protagonistes de l’extrême droite, tandis que le Parti socialiste, sous l’égide d’Anne Hidalgo enregistre le score le plus bas aux sondages que le parti aie jamais connu. 

Les élections présidentielles de 2022 semblent rebattre les cartes du jeu politique avec des candidats inédits dont la popularité met en doute l’issue de l’affrontement. Si le XXIe siècle a cristallisé une rupture avec le XXe siècle caractérisée par la montée des extrêmes dans le paysage politique français, la campagne actuelle nous révèle toute l’intensité de ce nouveau paradigme. 

Quelles sont les causes de l’éclatement de la popularité des partis populistes ? Quelles idées portent-ils ? Quels effets l’arrivée au pouvoir d’un de ces partis pourrait-elle engendrer ? 

 

Le paradoxe de la globalisation, de la diffusion démocratique au repli identitaire

Depuis 1945, le processus de mondialisation ne cesse de s’étendre. L’après seconde guerre mondiale, c’est la construction européenne, c’est L’OTAN, c’est l’endiguement des régimes totalitaires et communistes. C’est aussi et avant tout la diffusion de l’idéal démocratique et libéral dans les pays occidentaux, sous la coupe de l’influence étasunienne. Les pays d’Europe occidentale développent leurs institutions, organisent des élections dans lesquelles le peuple est souverain. L’économie est prospère, les citoyens connaissent un progrès de leurs droits et libertés, le peuple semble satisfait. Par dessus tout, on se complaît à ne pas vivre dans un régime totalitaire. Par dessus tout, on lutte pour ne plus connaître de personnage autoritaire, on combat pour la paix, pour le commerce, pour la prospérité. Si bien que les partis populistes sont repoussés aux frontières des élections et que la tradition s’installe selon laquelle les partis centristes se lancent tour à tour la balle présidentielle, incarnant une « fausse alternance » entre les partis de gauche et de droite modérés. 

La chute de l’URSS en 1991 semblait emporter avec elle les derniers vestiges de résistance à la démocratie libérale, du moins du point de vue de Francis Fukuyama. Dans « La fin de l’histoire », il admet que le terme de la guerre froide marque l’entrée dans une ère sans conflits, dominée par la diffusion de la démocratie et du libéralisme. En parallèle, l’Union européenne s’étend et introduit de nouvelles institutions, elle ressert l’étau de son influence nationale au niveau du droit et de l’économie. En France, les dirigeants œuvrent en vertu de cette construction européenne qui profite à l’économie du pays. L’Union européenne entreprend à son tour un processus de démocratisation, subordonnant l’entrée de nouveaux membres à la présence d’un régime démocratique, alors les anciens pays de l’URSS s’emparent de cette idéologie. 

Alors qu’elle était porteuse d’idéologies novatrices, la mondialisation a peu à peu conduit à dénaturer la démocratie libérale. Elle ne serait alors plus bénéfique, source de paix et de prospérité, mais dangereuse, en ce qu’elle gomme les identités derrière l’hégémonie américaine, provoque l’insécurité et vole le pouvoir au peuple, au profit de l’économie. 

À l’aube du XXIe siècle, l’ombre d’une menace commence à planer au-dessus de la démocratie libérale. En 2002, pour la première fois dans l’histoire de la Ve république, un parti d’extrême droite, le Front national, élève son candidat au deuxième tour, aux portes de la présidence. Les partis traditionnels sont accusés de composer avec la mondialisation, d’oublier le peuple. Les partis populistes se développent au-delà du globe, trouvant en l’immigration, favorisée par la mondialisation, le bouc émissaire de tous les maux de leurs pays. C’est ainsi que de la France aux Etats unis, en passant par la Hongrie, la Grèce, ou l’Allemagne, les extrêmes grimpent l’échelle du pouvoir, et parviennent même, parfois, à l’obtenir. C’est ainsi que Donald Trump, en fustigeant les étrangers de menacer la sécurité du pays, en appelant aux protectionnisme et en mettant un point d’honneur à l’affirmation de l’identité américaine au travers d’un slogan nationaliste « America first », parvient au pouvoir en 2016. En Europe, la Hongrie se tourne vers Orban, la Grèce vers Tsipras, et tous deux maudissent la tutelle de l’Union européenne sur leurs économies. La prise de décision n’a de cesse de s’éloigner du peuple souverain, oublié de la démocratie, dans les griffes d’une insécurité croissante. Déçu, le peuple se tourne vers ceux qui lui promettent de lui rendre sa souveraineté. 

 

Les instruments de la quête populiste

En France, les partis des deux extrêmes se rejoignent en premier lieu sur une volonté d’éloignement de l’Union Européenne afin de rapprocher le peuple des décisions qui lui incombent ou au moins de s’abstraire des politiques ultra-libérales. Il y a par ailleurs une volonté d’échapper à la tutelle américaine, avec l’idée de quitter le conseil de sécurité de l’OTAN. Un autre point commun qui réunit aussi bien l’extrême gauche que l’extrême droite réside dans la considération des franges populaires de la société, avec une volonté de leur offrir plus de pouvoir d’achat, de leur permettre d’avoir accès aux produits de premières nécessité, de revaloriser les salaires, de relocaliser les entreprises afin de faire face au chômage et de réduire notre dépendance à la mondialisation. 

Là où la scission s’opère entre les partis populistes de gauche et de droite, c’est qu’ils n’ont pas recours aux mêmes moyens pour parvenir à leur fin. À l’extrême droite de l’échiquier politique, on trouve les responsables de la crise économique, du manque d’emploi, de l’insatisfaction des citoyens, et donc, conséquemment, de la crise démocratique, dans l’immigration. Il suffirait alors de fermer les frontières, d’expulser les immigrés, de supprimer le droit du sol pour permettre aux Français de s’épanouir. Du côté de l’extrême gauche, c’est l’inverse : il faut étendre le champ électoral, offrir des débouchés à tous ceux qui en manquent, mener des politiques de solidarité, augmenter l’imposition, nationaliser les entreprises, supprimer l’héritage afin que chacun bénéficie des mêmes chances. 

 

Sincérité ou démagogie ? Les effets sur la démocratie

En France, la venue au pouvoir d’un parti extrémiste pourrait tendre vers le repli identitaire, la haine et le racisme. Le pays pourrait également opter pour une politique économique protectionniste, comme c’est notamment le cas de la Pologne, régime démocratique antilibéral. Par ailleurs, les relations avec l’Union européenne seraient compromises. Au niveau de la démocratie, il n’est pas certain que le peuple s’empare effectivement du pouvoir, dans la mesure où, même si l’éloignement de l’Union conduit à un renforcement de l’autonomie du pouvoir décisionnel, il n’est pas certain que le peuple en profite. Yascha Mounk, dans son ouvrage « Le peuple contre la démocratie », explique en effet que les partis populistes utilisent dans leur discours l’argument populaire, prenant en cheval de Troie la volonté de pallier à la crise de la démocratie, pour finalement s’emparer des médias et travestir le régime en totalitarisme. À titre d’exemple, un des candidats d’extrême droite propose d’ailleurs de privatiser les chaînes de télévision. 

Il est ainsi probable que la visée populaire soit instrumentalisée pour séduire les électeurs, mais finalement détournée de son objectif principal pour servir les intérêts de celui qui s’empare du pouvoir. Cela peut constituer un danger aussi bien pour les institutions, que pour les libertés fondamentales, monnaie d’échange de la sécurité. Il est primordial de garder en tête les leçons de l’Histoire, riche en exemple probants des effets de la prise de pouvoir gouvernemental par les partis populistes sur le régime démocratique, à l’instar de la Chine, qui se cache derrière la dénomination de « République populaire de Chine » alors même qu’elle étouffe chaques revendications du peuple. 

 

Sources :

Sources image : Pexels, banque d’images libres de droit (https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personnes-tenant-des-bannieres-1464227/)

 

Sources article : 

  • Le peuple contre la démocratie, Yasha Mounk, 2018

 

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