Au Burkina Faso, pays des hommes intègres, la situation est critique depuis quelques années. Alors que l’insécurité monte en flèche, le pays perd de plus en plus de terrain face aux djihadistes. Les défaites essuyées par l’armée combinées à l’inactivité gouvernementale face à la menace grandissante ne manque pas d’irriguer les tensions entre l’armée et le gouvernement. Tensions qui iront jusqu’au coup d’État. Que se passe-t-il au Burkina Faso ? Comment en est-on arrivé là ? Le pays est-il condamné à enchaîner les crises et les coups d’État ? Retour sur les évènements ayant marqué le pays ces derniers jours.
Une situation sociopolitique tendue
Burkina Faso, 23 janvier. Dans toutes les casernes du pays c’est la révolte. Les militaires qui n’en peuvent plus de l’inactivité gouvernementale demandent plus de moyens pour lutter contre le terrorisme qui gangrène le pays depuis des années et réclament des changements au sein de l’état major. Au vu de la tension sécuritaire qui domine le territoire, les innombrables défaites et les nombreuses victimes des djihadistes (notamment aux frontières du pays ou la violence terroriste règne), cette mutinerie de l’armée n’est pas réellement une surprise. À noter que depuis l’attaque d’Inata en novembre dernier et le décès d’une cinquantaine de gendarmes, l’atmosphère était de plus en plus tendue. De plus, depuis le début du mois de janvier, plusieurs militaires ont été interpellés dans le cadre d’une enquête pour tentative de déstabilisation des institutions de la République.
En réaction face aux contestations, le président Roch Marc Christian Kabore a alors instauré un couvre-feu nocturne sur toute l’étendue du territoire. Lors de cette manifestation, le peuple est venu soutenir les soldats et a dressé des barrages dans la capitale. Il n’en faudra pas plus pour mettre le feu aux poudres.
Un coup d’État immédiat.
La nuit du lundi 24 janvier alors que la confusion règne, les rumeurs de coup d’État surgissent de partout, l’armée sous l’étendard du MPSR (Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration) a réquisitionné la chaîne nationale afin d’annoncer la fin du gouvernement de Roch Marc Christian Kabore.
Leur porte-parole a annoncé la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale, la fermeture des frontières terrestres et aériennes et la mise en place d’un couvre-feu de 20H à 5H du matin.
Ce dernier a également précisé que le coup d’État s’est fait sans effusion de sang et que le MPSR s’engageait à rétablir l’ordre constitutionnel dans les plus brefs délais.
Un soutien populaire direct
Le lendemain de cette allocution à Ouagadougou, la place de la Nation était noire de monde. Le peuple s’est déplacé en nombre afin de soutenir les putschistes. Tout le monde veut participer à la fête espérant que la junte militaire mettra rapidement fin à l’insécurité que connaît le pays depuis 2015. Alors même que la CEDEAO la France ainsi que l’ONU ont désapprouvé le coup d’État; chez les burkinabés, ce sont les pancartes anti-France, le drapeau malien ainsi que les chants pro-russes qui règnent dans le cœur des citoyens dont certains plus radicaux souhaitent même changer de partenaires internationaux. En attendant de voir quelles seront les premières mesures prises par les militaires, la vie reprend son cours à Ouagadougou au lendemain du 7e coup d’État qu’a connu le Burkina Faso depuis 1960.
Un passé tumultueux
Le pays n’en est pas à son premier coup d’État. Déjà dans les années 1980, le Burkina Faso, à l’époque encore nommée “la Haute Volta » est l’un des pays les plus pauvres au monde avec une espérance de vie se limitant à 40 ans et un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98%. Cette situation face à un gouvernement inactif entraîna un coup d’État militaire organisé par le colonel Saye Zerbo. Celui-ci sera renversé en 1982 par le médecin commandant Jean Baptiste Ouedraogo mais ce dernier sera vite évincé par son ex-Premier ministre Thomas Sankara qui devient président de la Haute Volta en août 1983. Ce dernier rebaptise son pays le “Burkina Faso”, instaurant une politique d’orientation marxiste. Malgré de nombreuses réformes et un soutien irréprochable du peuple, il finira assassiné. Bien qu’officiellement, l’assassin demeure inconnu, officieusement de nombreuses théories pointent du doigt son ancien bras droit et ami Blaise Compaore qui restera au pouvoir pour les 27 prochaines années. À partir de 2014 et après bon nombre de contestations, un soulèvement populaire éclate contre Blaise Compaoré et son projet de modification de l’article 37 de la loi fondamentale limitant le nombre de mandats présidentiels afin de se représenter en 2015. À la suite des émeutes, Blaise Compaoré quitte le pouvoir. C’est alors Michel Kafando, un ancien diplomate qui est nommé président de la transition. Cependant, le 17 septembre 2015 des militaires du régiment de sécurité présidentiel le RSP le retiennent en otage ainsi que le Premier ministre. Gilbert Diendéré (le chef du RSP), se proclame chef de l’État. Il finira néanmoins très vite par déposer les armes et le 23 septembre 2015 le président de la transition annonce la fin du coup d’État et reprend son poste. Puis, à la suite des élections présidentielles du 30 novembre 2015, Roch Marc Christian Kaboré est élu avec 53,4% des voix devenant le 2e président civil depuis l’accès à l’indépendance du Burkina Faso. Cependant c’est à ce moment que les problèmes vont se multiplier. En effet, le nouveau président doit rapidement faire face à des attaques terroristes dans le nord du pays et à la frontière avec le Mali. Blaise Compaoré, son prédécesseur, négociait avec les terroristes afin qu’ils ne rentrent pas dans le pays mais son départ a permis aux terroristes de pénétrer le territoire mettant très vite à mal le maintien de la paix au Burkina Faso. Ajoutons à cela une mauvaise gestion de la sécurité ainsi qu’un manque de réactivité du gouvernement face à la menace terroriste et il n’en faut pas plus pour provoquer de nouvelles contestations. Les attaques terroristes que vont subir le Burkina Faso ne vont rien arranger à l’accumulation de ses échecs et le manque de réactivité du gouvernement face à un peuple meurtri a provoqué le coup d’État du MPSR.
Quelle solution pour le Burkina Faso ?
Le pays enchaîne depuis plusieurs décennies les coups d’État et les mouvements contestataires. Les régimes se succèdent et l’entrée des terroristes sur le territoire burkinabé a montré à maintes reprises l’incapacité et l’impuissance du gouvernement face à cette crise sécuritaire. Avec l’arrivée du MPSR, le peuple, soulagé, espère un retour à la stabilité et la sécurité. Mais les putschistes atteindront-ils leurs objectifs ? Le Burkina Faso va-t-il sortir de cette boucle de régimes qui se succèdent indéfiniment ou le pays est-il condamné à enchaîner les gouvernements instables ? L’avenir nous le dira. En attendant, nous ne pouvons qu’espérer un avenir radieux au Burkina Faso.