C’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre.
TW : viol, féminicide
Ce mercredi 8 mars, ce sera la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre. Ce n’est pas la fête des mères, ce n’est pas la journée de la femme, ce n’est donc pas l’occasion de nous offrir des fleurs, des promos sur les aspirateurs, ni de nous demander si nous allons « montrer nos seins dans la rue » (même si nous le ferons).
Ce n’est pas une fête, mais c’est bel et bien une célébration : celle de nos luttes militantes, quotidiennes, intersectionnelles. C’est la célébration de notre résilience, nous, femmes et minorités de genre, face à l’oppression systémique issue de la domination masculine.
C’est aussi et surtout l’occasion de mettre en lumière des actions concrètes de sensibilisation, d’éducation, de prévention aux violences et aux inégalités subies par les femmes de tous horizons.
Le 8 mars permet de manifester, dans nos sphères militantes, en non-mixité ou en mixité choisie, pour nos droits et pour renverser le système. Le 8 mars est un moment d’expression de notre colère militante, de nos revendications. Le 8 mars nous octroie un espace d’expression dans la sphère publique.
C’est un moment essentiel à la lutte féministe inclusive et intersectionnelle : c’est une journée de mémoire, de représentation, de visibilité, de solidarité. C’est pourquoi il est particulièrement crispant lorsque l’on entend cette journée marquante sous le nom de « journée de la femme ». Voici donc un décryptage, mot après mot, de la terminologie la plus appropriée pour qualifier cette journée : la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre.
Une journée internationale pour une sororité internationale
Tout d’abord, il y a une raison pour laquelle il est important de signaler l’aspect international de cette journée. Le 8 mars a en effet été officialisé par l’Assemblée Générale des Nations Unies en décembre 1977, qui invitait « tous les Etats » à dédier à leur échelle une journée pour les droits des femmes.
C’est donc l’occasion d’affirmer une sororité internationale, une solidarité sans frontières avec nos sœurs d’autres pays et continents.
L’occasion, entre autres, de soutenir publiquement nos sœurs ukrainiennes, aux prises avec une guerre dévastatrice dont elles subissent doublement les répercussions du fait de leur statut de femmes. Pensons notamment aux violences sexuelles qui sévissent de manière, semble-t-il, inexorable en temps de conflit. Pensons à nos sœurs qui tombent enceintes, en période de guerre, suite à des rapports sexuels parfois non-consentis, nos sœurs dont les soins ne sont pas assurés par les dispositifs de soutien à l’Ukraine, nos sœurs réfugiées qui ne peuvent plus avorter dès lors qu’elles traversent la frontière avec la Pologne.
Pensons également à nos sœurs états-uniennes, qui ont perdu, il y a bientôt un an, leur droit à l’avortement dans la moitié des Etats. Pensons à nos sœurs iraniennes, qui continuent de lutter au prix de leur vie pour affirmer leur liberté. Pensons à nos sœurs afghanes, sous régime Taliban depuis un an et demi, à nos sœurs syriennes et turques qui subissent les conséquences de séismes dévastateurs. Pensons à nos sœurs, dans tous les autres Etats, qui d’une façon ou d’une autre, paient, elles aussi, le prix injuste de leur genre.
Enfin et surtout, pensons à nos sœurs en France, avec qui nous devons lutter conjointement pour faire entendre nos revendications et ne surtout pas abdiquer face au système de domination masculine.
Une journée internationale de lutte pour nos droits
En outre, n’oublions pas que le 8 mars n’est pas seulement une journée de célébration militante, mais également une journée pour mettre en lumière nos revendications, nos combats, et renouveler nos exigences pour un système égalitaire. En bref : une journée de plus pour lutter pour nos droits.
Le 8 mars est un jour de grève
Chaque année, la grève féministe est proposée par de nombreux collectifs et associations à l’occasion du 8 mars, pour souligner l’absolue nécessité de notre travail dans la société française. Cette année, le 8 mars est également l’occasion de nous opposer à la réforme des retraites.
Opposons-nous donc à cette réforme, qui provoquerait une précarisation extrême des femmes, alors qu’il y a déjà 26% d’écart de salaires entre les femmes et les hommes, et 40% d’écart de pensions de retraites. En raison de cet écart, en 2023, les femmes travaillent de manière non rémunérée tous les jours ouvrés à partir de 15h40. Rappelons également que les femmes occupent déjà en écrasante majorité les métiers dits du « care », qui sont l’objet de stigmatisation et de dévalorisation, ainsi que les postes à temps partiel, pourvus à 82% par des femmes.
Opposons-nous également aux discriminations sexistes dans le milieu professionnel, qui sont de surcroît à l’intersection du racisme, des LBGTQIA+phobies, du validisme, du classisme et de toutes les autres formes d’oppression. A titre indicatif : 69% des femmes racisées sont victimes de propos discriminants au travail, et 1 personne transgenre sur 3 a déjà subi des actes ou des propos transphobes dans le milieu professionnel.
Opposons-nous à l’affaiblissement des services publics, à l’inégalité de répartition du travail domestique, pris en charge aux deux tiers par les femmes, qui cumulent en moyenne 3h26 par jour de travail non rémunéré dans les foyers.
Opposons-nous au harcèlement et aux violences sexuelles, économiques, administratives, psychologiques, gynécologiques, physiques, qui n’ont d’ailleurs pas prévu, elles, de se mettre en grève le 8 mars. Aussi tragique que cela puisse paraître, ce mercredi, des femmes seront battues, violées, agressées, insultées, tuées, car la violence masculine est continue. En France, une femme meurt tous les deux jours et demi à cause de la violence masculine. Chaque année, au moins 94 000 femmes sont victimes de viol et 213 000 femmes sont victimes de violences conjugales.
Opposons-nous, enfin, à l’impunité de nos agresseurs, de nos violeurs, de nos meurtriers.
Ces violences ne sont pas une fatalité
S’il s’agit donc de manifester notre opposition au système, il s’agit également de réitérer nos propositions pour changer celui-ci. Nous manifestons donc pour la proposition et l’adoption d’une loi contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que l’allocation d’un budget de 2 milliards d’euros par an prévu à cet effet.
Nous manifestons également pour le respect et l’application des trois séances par an prévues pour l’éducation à la vie sexuelle et affective, et ce du CP à la terminale ; pour la formation obligatoire des professionnel·les de l’éducation, de l’animation, de la santé, de la police, et autres secteurs professionnels dans lesquelles les violences sévissent tout particulièrement ; pour la mise en place de plans de prévention des violences dans les entreprises et administrations ; pour un renforcement des dispositifs d’accompagnement et d’écoute des victimes de violences ; pour le financement des associations et organismes qui effectuent les missions d’accueil des victimes de violences à la place des services publics.
Nous manifestons pour la reconnaissance institutionnalisée de nos droits : pour l’inscription du crime de féminicide dans le code pénal, pour la constitutionnalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse, et pour la création d’un observatoire national des violences de genre.
…les droits des femmes et des minorités de genre
Lorsque l’on entend « la journée de la femme », une question fait surface : qui est donc « la femme » ? Inutile de le préciser, les mots ont du poids, aussi il semblerait plus pertinent de parler « des femmes » au pluriel, afin de mettre en lumière les réalités sociales qui s’entremêlent avec la réalité d’être femme. Alors, parlons de journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre : femmes racisées, femmes queer, femmes invalides, femmes victimes de violences, mères, femmes célibataires, femmes militantes…
Être une femme constitue un supplément de discriminations quotidiennes et continues, qui pour certaines d’entre nous, s’ajoute déjà à d’autres types d’oppressions.
Le 8 mars est donc aussi et surtout l’occasion de réaffirmer, via l’intersectionnalité et l’inclusivité, la complexité et la multiplicité de la condition féminine. Profitons de cette journée pour mettre en lumière les violences additionnelles subies par les femmes qui cumulent d’autres formes de discrimination et qui sont pourtant invisibilisées par les médias, et pour rappeler qu’il n’y a pas de féminisme sans les femmes trans, les femmes migrantes, les femmes sans domicile fixe, les travailleuses du sexe, les femmes handicapées, les femmes précaires.
Puisque nous serons au rendez-vous le 8 mars, n’oublions pas…
Le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ;
Le 6 février, journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines ;
Le 15 mars, journée internationale de lutte contre l’islamophobie ;
Le 21 mars, journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale ;
Le 25 mars, journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves ;
Le 2 mars, journée internationale de sensibilisation à l’autisme ;
Le 12 juin, journée internationale de lutte contre le travail des enfants ;
Le 20 novembre, journée internationale du souvenir trans ;
Ainsi que toutes les autres journées internationales qui permettent l’éducation, la sensibilisation et le souvenir de nos luttes, de nos histoires militantes et de notre résilience face à un système inégal, injuste et violent (liste complète de toutes les journées internationales : https://www.un.org/fr/observances/list-days-weeks).
N’oublions pas non plus que nous, personnes minorisées et victimes d’oppression, n’avons pas d’autre choix que de lutter chaque jour, et pas seulement le 8 mars. Puisque les violences que nous subissons sont continues, notre réponse doit l’être également.
Enfin, n’oublions pas de nous éduquer, quotidiennement et non pas seulement un jour par an. Eduquons-nous sur notre condition, sur nos droits, mais aussi sur nos privilèges, afin de ne pas devenir pour d’autres, le bourreau que nous subissons déjà et contre lequel nous brandissons nos pancartes.
Ce 8 mars 2023, soyons fortes, soyons fières, soyons féministes, et radicales, et en colère.