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vendredi 13 décembre 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

L’art est-il soluble dans le consumérisme ?

Formulation pompeuse ou question sans réponse il n’en est pas moins qu’il est normal de se demander si la vocation première de l’art est d’être un objet de commerce, un outil du capitalisme dans sa forme la plus primaire.  

On peut partir de deux postulats : soit l’art est un objet non soluble et hermétique, dans ce cas quel est sa vocation ? Soit l’art est un produit qui satisfait les besoins de l’homo œconomicus.  

Autre question portée sur l’artiste, crée-t-il de l’art pour subvenir à un débordement artistique, fruit de la passion, ou pour subvenir à sa condition économique, souvent précaire ? Cette question dégage aussi celle de savoir si un artiste est bon parce qu’il peint par nécessité créative ou s’il peint par nécessité financière. La transcendance créative des artistes et leur nécessité de subvenir à leurs besoins sont parfois intimement liées, rappelons-nous que Van Gogh, génie du post impressionnisme, mettra une existence entière à vendre un seul tableau. Pourtant animé par le besoin irrationnel de peindre, de créer à partir d’épiphanie clairvoyante, il chercha toute sa vie à vendre son art au plus offrant.  

La question est donc difficile à cerner car elle implique une multitude de considérations, toutes plus périlleuses les unes que les autres. Je ne me perdrais donc pas plus longtemps en élucubrations.  

Le point de vue de l’artiste  

Charlène Duchêne, artiste plasticienne, nous partage son avis en exposant le constat suivant : l’art a-t-il une vocation s’il ne s’adapte pas à la société ? Une œuvre qui n’a pour horizon que son artiste n’a-t-elle pas d’autre choix que de s’éteindre et par conséquent amener l’art, dans une telle perspective à s’éteindre lui-même.  

Elle démontre par la même occasion que les plus grands artistes sont ceux qui vendent le plus (Andy Warhol, Pablo Picasso, Jeff Koons…) et donc qu’on reconnaîtrait le génie d’un artiste par  son influence, lui-même propulsé par sa côte sur le marché. 

En définitif, son constat est sans égard, l’art s’adapte pour survivre et cela est d’une absolue nécessité. Elle finit par répondre élégamment « je dirais que l’art est un perpétuel devenir et qu’il  sera toujours présent peu importe sa forme ». Il lui importe donc peu la forme que prendra l’art,  son seul devoir est d’exister.  

L’art comme corollaire d’une condition sociale (ou l’humble avis de votre rédacteur) 

On pourrait penser que l’art se vide de sa substance à partir du moment où l’Homme, pervers et  envieux, le dérive de sa vocation première : plaire, toucher, révéler le beau pour le rattacher à des  aspects économiques et financiers. Cependant on peut déceler une logique implacable à ce constat : l’art est la substance rattachée à un bien, qui, comme tout autre bien, peut être détenu, vendu et faire l’objet d’une monétisation de par sa valeur. Une valeur qui est pour beaucoup un moyen qui assouvit une nécessité et révèle un constat frappant : la plupart des artistes sont en  situation de précarité, une essence quasi prophétique à laquelle chacun est frappé. 

Il existe pourtant des artistes comme on aime à les imaginer dans les œuvres de Jane Austen ou Oscar Wilde, grandioses, touchés par la grâce du Génie et du beau, qui n’ont que faire de l’uniconformisme et préfèrent remplacer leur pinceau par un couteau rouillé pour faire de leur sang  la peinture de leur prochaine création le top 1 des ventes chez Christie’s. Prenons Nicolas de  Staël par exemple, il est l’exemple typique du peintre torturé, chantre de l’art abstrait qui peint face à l’éternité. Cependant c’était surtout un gros bourgeois qui n’avait pas à se préoccuper des  conséquences financières de ses frivolités picturales. Pendant que ce dernier s’astreignent à peindre la Sicile sous toute ses formes dans le Lubéron, Gauguin, lui, était plongé dans une telle précarité qu’il dit un jour dans une lettre à Pissarro « la peinture, je n’ai même pas l’argent pour acheter de la peinture, je me borne donc à dessiner ». Cela démontre bien que c’est la condition sociale de l’artiste qui détermine son utilisation de l’œuvre, l’artiste bourgeois peint à son bon vouloir et dans une transfiguration complète de son état, là où l’artiste précaire s’ancre dans un constat tragique s’opposant à cette transfiguration.  

En bref, l’art est-il libre de son positionnement ? 

Si ce dernier est soluble dans le consumérisme c’est donc par contrainte. On peut aisément penser qu’il existe une dimension perverse dans le fait de contraindre par sa précarité un artiste à vendre son œuvre. Mais n’existe-t-il pas une volonté de la part des artistes de faire connaître leur art et à le céder par le biais d’échanges financiers ? Surement, mais cela ne me convainc que trop peu… Par ailleurs Camus et la nuit m’ayant trop imprégnés de leurs vertus, cela m’amène à vous poser une dernière question : l’artiste qui vend son art est-il un artiste vendu ? 

LVG.

Sources :

Source article :

« la précarité de l’artiste peut servir de moyen de légitimation d’un art à vocation politique » 

L’artiste pauvre : identité sociale et artistique, Phoebe CLARKE

Source image : Hugo Puncel

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