Elle. Simple comme Sylvain est un film sur elle. Elle, c’est Sophia, l’héroïne du film mais aussi toutes les elles, toutes les femmes. Retour sur une pépite cinématographique.
Monia Chokri, actrice et réalisatrice, née le 27 juin 1982 à Québec signe un beau film – tant visuellement qu’émotionnellement – qui réfléchit et nous donne à réfléchir sur la notion d’amour. Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) et Xavier (Francis-William Rhéaume) vivent ensemble depuis dix ans mais Sophia rencontre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), avec qui le coup de foudre est immédiat. Le résumé est simple, l’intrigue l’est moins. On sent bien, dès le début du film, qu’entre Sophia et Xavier, ce n’est pas – tout du moins plus – l’amour fou et celle-ci dira d’ailleurs qu’ils sont devenus des amis. Au cœur du scénario, on retrouve donc une figure féminine et un dilemme. Une femme tombe amoureuse d’un homme d’un niveau social complètement éloigné du sien : elle est professeure de philosophie à l’université du troisième âge ; lui est charpentier mais qu’importe, la passion est plus forte que ces maigres frontières (au début en tout cas). Très vite Sylvain affirme à Sophia, « sa grande beauté », qu’elle n’a pas le choix, qu’elle deviendra sa femme. Et pourtant, le choix elle l’a et les décisions elle les prend seule, ce que démontre le film tout du long.
L’amour ça devrait être simple, Simple comme Sylvain, et pourtant on ne peut s’empêcher de voir dans la méprise des autres personnages face au prénom du beau Sylvain (deux d’entre eux l’appellent Stéphane) un avertissement : non l’amour ce n’est pas simple. En amour, on se trompe (littéralement et de manière figurée) comme lorsque les personnages se trompent de prénom. La question est d’ailleurs abordée de manière générale mais aussi par rapport au couple. Est-ce que le sentiment amoureux peut perdurer des années durant ? La mère de Xavier semble nous dire que oui puisqu’elle accompagne son mari dans la maladie et ne se voit pas vivre sans lui mais Sophia nous oppose son ennui dans son couple, la flamme qui s’est éteinte. Monia Chokri, dans une interview donnée à Télérama, explique d’ailleurs que le « couple est un système fabriqué, social, économique, familial, politique, qui a longtemps rien eu à voir avec l’amour ».
Au-delà de l’amour, c’est aussi le désir féminin qui est traité et ce n’est pas si fréquent au cinéma ! Le désir sexuel est en effet abordé au travers, bien évidemment, de Sophia qui s’épanouit sexuellement avec Sylvain mais aussi de son amie Françoise (Monia Chokri). C’est aussi le désir intellectuel ou moral, dira-t-on, qui est au cœur du film. Pendant les cours de philosophie de Sophia ce sont les pensées de Platon, Spinoza, Jankélévitch et d’autres qui sont mises en lumière et qui nous donnent matière à réfléchir à la question de l’amour.
Visuellement, le film est tout autant empli d’amour. La lumière sublime les plans et les acteurs sont tout simplement splendides dans leur jeu. Le tout est enfin magnifié par une bande originale tout en douceur et Still Loving You de Scorpions qui accompagne un slow dont on se rappellera.
La douceur, la passion, l’envie, le désir, les regrets, l’inconnu : l’amour c’est tout cela à la fois et tant de choses encore. Le film de Monia Chokri vient nous en donner de multiples visions. Simple comme Sylvain c’est comme un câlin, c’est un film dont on sort le sourire aux lèvres, le cœur léger, l’envie d’écouter les passions qui sommeillent en nous et de nous (re)plonger dans des lectures philosophiques.