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vendredi 26 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

La place du blasphème en France : devrait-on reconsidérer son statut dans la loi ? 

C’est bien connu, les sujets touchant à la religion ont toujours suscité de nombreux conflits : qu’ils soient politiques ou simplement dans l’opinion publique, discuter religion est souvent délicat. 

Depuis la fameuse loi relative à la séparation de l’Église de l’État du 9 juillet 1905, rendant ainsi l’état français laïque, la place de la religion a fondamentalement changé de statut au sein de la société : le culte devient un régime de droit privé, et l’État est gouverné par le principe de neutralité ; en d’autres mots : la France n’a pas de religion et n’en couvre aucune, elle en est détachée. 

On l’a bien compris : la religion et sa pratique relèvent du domaine privé des citoyens, un droit qui est d’ailleurs protégé par la législation supranationale, avec notamment l’article 9 de la Convention Européenne des droits de l’homme relatif à la liberté de penser, de conscience et de religion. Donc en principe, l’État n’a pas à agir dans les conflits religieux survenant entre citoyens… 

C’est maintenant qu’apparaît un terme bien ancien mais surtout bien mal compris de l’opinion publique de nos jours : le blasphème. Mais le blasphème c’est quoi ? Ce phénomène n’est pas nouveau, il se défini à l’origine comme étant le simple fait d’injurier ou de calomnier quelqu’un, c’est plus tard, que la définition revêtira un caractère religieux, en se caractérisant comme étant « une parole ou discours qui insulte la religion, la divinité ou ce qui est établi comme respectable ou sacré » (réf: Larousse)

Le blasphème n’est pas reconnu comme tel, c’est-à-dire qu’en lui-même, il n’est pas constitutif d’une infraction punie par la loi : néanmoins, l’État, en son rôle de protecteur des citoyens & garant des libertés et droits individuels, limite en effet cette absence considérable de sanction lorsqu‘une atteinte à la religion fait surface : l’injure aux croyants est interdite, c’est-à-dire que dès lors qu’un individu n’insulte pas la religion elle-même mais insulte en revanche un individu faisant partie d’une religion, se verra alors puni par la loi, encourant une peine d’1 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. 

 

Si le croyant est déjà protégé, pourquoi vouloir reconnaître le blasphème et le rendre punissable en tant que tel ?

Si vous êtes connectés et avez accès aux réseaux sociaux, vous connaissez sûrement deux individus qui ont beaucoup fait parler d’eux ces derniers mois : Benjamin et Mila. Le point commun de ces deux individus est le fait d’avoir « choqué le net », en affichant des propos considérablement déplacés sur la religion (avec par exemple Mila, qui a affirmé que « Allah » (Dieu des musulmans) est de la merde) ou encore en agissant de manière irrespectueuse et insultante envers la religion (avec l’exemple de Benjamin, qui s’est amusé à utiliser les pages du Coran pour faire le ménage ou encore en utilisant le livre lui-même pour en faire un « repose chaise »). Mais quel est le soucis dans ces deux cas ? En aucuns cas, et aucuns des deux n’a insulté les croyants, aucuns d’eux n’a porté d’injures ou de propos déplacés envers les individus eux-même : ils n’ont donc commis aucuns faits punissables, car ils ont seulement commis un blasphème, qui n’est pas constitutif d’une infraction… et dans tous les cas, en plus de l’absence de reconnaissance du blasphème, ils sont également couverts par leur droit à la liberté d’expression, qui est, au niveau supra-national, également protégé. 

Selon moi le blasphème devrait être reconnu. Mais pourquoi ? De mon point de vue, cette atteinte constitue un préjudice tout comme tout autre préjudice qu’un individu pourrait subir ; le fait que celui-ci soit relatif au statut religieux de la personne ne le dénue pas de son caractère dommageable pour autant : c’est pour cela que je pense qu’il serait judicieux de le punir à hauteur de tout autre acte causant du tort à autrui. Je soulève également que ne pas retenir le blasphème comme étant lui-même une infraction punissable par la justice, pourrait être vue comme une maladresse de la part du législateur, en estimant que celui-ci « sélectionne » de son propre chef les infractions qui devraient être punies et celles qui n’ont pas à l’être. 

En réalité, la religion en elle-même, n’est-elle pas intimement liée au croyant, qui la pratique ? Insulter la religion n’est pas, en réalité, insulter le croyant ? Toutes ces questions me mènent à dire que le blasphème constitue une atteinte à la personne du croyant, une atteinte devant être punie par la loi, un atteinte susceptible de réellement porter préjudice à l’individu croyant. 

Le religion est pour certains, bien plus qu’une simple ligne de conduite ou de simples règles auxquelles le croyant doit obéir et se soumettre, c’est un véritable état d’esprit, une véritable philosophie de vie qui permet de littéralement faire vivre celui qui la pratique : en négligeant le blasphème, l’État ne néglige-t-il pas en réalité le croyant lui-même ? En laissant l’opportunité aux citoyens de soulever des propos blessants, injurieux ou encore calomnieux quant à une religion, ne laisse-t-on pas une opportunité de gratuitement blesser les croyants ? 

 

En le tolérant ainsi, ne négligeons-nous pas la manière dont ces propos pourraient heurter psychologiquement un individu pratiquant une religion ?

Toutes ces questions permettent de dire que le blasphème est fatalement lié à l’injure envers le croyant, que ces deux phénomènes font partis d’une même boîte et qu’ainsi, le blasphème devrait être puni à même hauteur que l’injure envers le croyant ; qu’en ne sanctionnant que le second, l’État n’exerce en réalité, que partiellement son rôle de protecteur des citoyens. 

Même s’il est difficile pour ce dernier de limiter, en punissant, les paroles des individus compte tenu de la liberté d’expression, il n’est pas négligeable que le blasphème demeure un acte qui doit, d’une manière ou d’une autre, pris en considération lorsqu’il est commis, en apportant la preuve du tort qu’il a causé par exemple, ou celle de du grave degré de méchanceté ou calomnie que la parole suggère. 

Et vous, qu’en pensez-vous ? 

Sources :

Source image : Pixabay, banque d’images libres de droit.

 

Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent que celles du rédacteur et non celles de l’association Jean Moulin Post.

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