Han van Meegeren naît en 1889 aux Pays-Bas, dans une famille où l’éducation et la rigueur sont des valeurs primordiales, ne laissant que peu de place pour un quelconque imaginaire artistique. Ainsi, lorsque Han développe ses ambitions artistiques, celles-ci se verront découragées, et vues d’un mauvais œil, l’empêchant de poursuivre dans cette voie. Pourtant, au cours de son cursus scolaire, il se rend compte que l’art est ce qui lui plaît, et s’obstine dans la poursuite des ses ambitions artistiques, il démarre ainsi une carrière en tant que peintre.
Han van Meegeren connaît un bref succès dans les débuts de sa carrière, mais passionné depuis toujours par l’art classique, l’ayant imprégné dans son éducation, il abandonne rapidement le style de peinture en vogue de l’époque, afin de revenir sur les pentes du Siècle d’Or. Si l’ambition ne lui fait pas défaut, l’artiste se heurte aux exigences de modernité et de nouveauté requises par le marché de l’art de l’époque, engendrant une déferlante de mauvaises critiques qui détruiront sa carrière.
Un nouvel objectif lui vient alors : fabriquer des faux afin d’imiter les tableaux des artistes les plus connus en mettant au point une technique infaillible afin qu’aucun doute ne puisse être posé quant à l’authenticité de ces œuvres. Grâce à l’obtention de cette technique, le peintre imite les tableaux des artistes classiques comme Frans Hals, Pieter de Hooch, mais surtout Johannes Vermeer. Il réalise des imitations parfaites qui façonnent encore aujourd’hui la réputation de Han van Meegeren.
Pour mettre au point sa technique, Han doit prendre en compte différents éléments, notamment la reproduction de longue date des œuvres qu’il imite, datant de plusieurs siècles en arrière. La clé de la réussite du peintre réside alors dans la Bakélite, une résine qu’il mélange avec les pigments de couleurs broyés, comme ceci était fait à l’époque. De là, Han peint avec ce mélange des toiles d’époque, qu’il se procure par l’achat de tableaux d’époques sans valeur, sur lesquelles il grattera la peinture préalablement apposée. Ce processus permet à Han de recouvrir des toiles d’époque avec des pigments d’époque, qu’il met au four afin de reproduire les failles et craquements typiques du temps passé. Enfin, il finit par enrouler son tableau autour d’un bout de bois, sur lequel il appose de la peinture grisâtre afin de reproduire la poussière accumulée au fil du temps.
Par cette technique, Han van Meegeren reproduit le durcissement et l’impression de vieillissement d’œuvres datés de l’époque.
Après avoir réalisé la perfection que revêt sa technique, Han van Meegeren se met en tête de créer le plus parfait des faux, le faux qui serait capable de tromper tous les experts, et ce en reproduisant une œuvre à la façon de Vermeer.
Si le récit de cette réussite paraît idyllique voire irréel, il dépend d’un contexte important à prendre en compte. En effet, Johannes Vermeer fut un peintre de renom, notamment connu pour La Jeune Fille à la perle, mais dont l’œuvre complète n’est que peu connue. On estime à Johannes Vermeer 36 œuvres, allant de ses grandes pièces aux travaux de genre, mais sans entre-deux. Les experts, alors non résolus à constater ce manque dans l’œuvre du grand peintre, sont persuadés qu’il manque un échelon dans le travail de Vermeer. Han van Meegeren vient alors offrir ce qu’ils recherchent, la pièce manquante à leur énigme : la représentation de scènes bibliques.
Il entreprend donc sa création, et réalise en quatre années le faux de Vermeer : « Le Christ à Emmaüs ».
Ce tableau, franc de son succès dès son apparition, ne se contente pas de devenir un tableau de Vermeer, mais sera reconnu par les experts comme le plus grand chef-d’œuvre du peintre. Han van Meegeren réussit à duper tous les protagonistes du marché de l’art, et obtient sa vengeance tant souhaitée, car Abraham Bredius, l’expert ayant dénigré ses travaux, reconnaît le tableau comme un authentique de Vermeer.
L’œuvre est exposée au musée Boijmans, inaugurée par la reine des Pays-Bas, démontrant l’ampleur que prend la peinture.
Si Han van Meegeren réalise d’autres faux, il vend durant la Seconde Guerre mondiale, un faux Vermeer « Le Christ et la parabole de la femme adultère » à Herman Göring, collaborant de ce fait avec la partie ennemie, en échange de 200 œuvres saisies par les nazis dans les musées hollandais. Cependant, au sortir de la guerre, un tel échange ne passe pas inaperçu et sera considéré comme de la collaboration avec le parti national socialiste, amenant le jugement nécessaire de l’auteur de la vente.
A ce moment, Han van Meegeren est face aux choix de se muer dans son mensonge et être condamné pour collaboration, ou révéler la vérité et être condamné pour la réalisation de faux. Il choisit de révéler la vérité afin d’éviter la condamnation à une lourde peine, et pour prouver la supercherie, il devra réaliser un faux, avec sa technique parfaite, devant plusieurs experts, qui permettrait de prouver son innocence dans le cadre de son accusation pour vente d’un trésor culturel national.
Une fois le faux réalisé, les experts reconnaissent que la toile n’est pas une originale, induisant la non authenticité de toutes les précédentes. Han van Meegeren est alors acclamé en tant que héros national pour avoir subtilement escroqué les nazis, mais écope tout de même de la peine minimale.
Han van Meegeren est aujourd’hui connu comme l’un des plus grands faussaires du XXe siècle, mais également comme un héros.