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vendredi 26 avril 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Comment se libérer de l’inaction environnementale

Notre maison brûle et nous regardons ailleurs”, disait Jacques Chirac à l’occasion du IVème sommet de la Terre en 2002. Et il avait bien raison, le bougre. Mais force est de constater que depuis 2002, pas grand chose a changé. Enfin si, les émissions de CO2 annuelles ont augmenté de 11 milliards de tonnes. Donc la maison brûle encore plus qu’avant, et on est toujours autant fascinés par le trottoir d’en face. Plutôt déprimant comme constat. Quand on y réfléchit un peu trop, on a presque envie de faire son baluchon de survivaliste et de partir vivre en forêt pour le restant de ses jours en regardant de loin la “maison” s’effondrer. Mais avant de plier bagages, mobilisez le peu d’optimisme qui reste en vous pour imaginer avec moi une solution à ces problèmes environnementaux qui nous concernent tous. Dîtes vous que la borne d’incendie existe, encore faut-il faire l’effort de la chercher.

 

L’Histoire de l’inaction face à la crise environnementale

Commençons par le commencement. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous pu laisser couler des siècles de pollution sans rien faire ? Pourquoi l’Homme n’a-t-il pas commencé à réguler ses activités pour réduire sa pollution dès le début ? À croire qu’on a fait exprès de s’enfumer avec tout ce charbon et de se noyer dans tout ce pétrole.
Bien heureusement, nous ne sommes pas stupides au point de s’enfermer nous mêmes dans le cercueil. En réalité, l’Homme moderne (c’est à dire l’Homme depuis la première révolution industrielle) n’a probablement pas réalisé de si tôt que derrière sa douce croissance, qui lui garantissait technologies, richesse et santé, se cachait une vilaine pollution, qui lui garantirait dégradation de son environnement, de son bien-être, de ses conditions de vie, ainsi que pas moins de 9 millions de morts par an dans le monde (chiffres de 2015).
Enivré par tous ces bonheurs garantis pour aujourd’hui, il ne s’est jamais soucié de ce que lui réservait demain. Alors nous avons laissé grossir cette bulle de crise écologique, tout en prenant lentement conscience de son existence. Un peu comme un cancer qu’on n’aurait pas détecté au début, mais que nous avons petit à petit découvert, d’abord grâce aux symptômes visibles (la chute de la biodiversité, les smogs, la multiplication des problèmes de santé), puis grâce aux avancées scientifiques (la mesure du taux de CO2 dans l’atmosphère, les carottes glaciaires, le recensement des espèces animales…), paradoxalement elles-mêmes apportées, il faut bien le reconnaître, par la croissance. À ce rythme, ce sont les fondations mêmes de notre monde moderne qui deviendront sa tombe. En effet, notre système économique tout entier a été conçu sans prendre en compte la variable environnementale dans son équation. Donc quelque part, on ne peut pas en vouloir à ceux qui ont trouvé un moyen d’améliorer leurs conditions de vie et leur bien-être de ne pas avoir pris en compte une information qu’ils ne possédaient pas.

Mais depuis 1972, l’humain n’a plus d’excuses. Car cette année-là, le Club de Rome, qui est une assemblée internationale d’experts (scientifiques, économistes, humanistes), de professeurs et d’industriels, publie le rapport Meadows. Dans ce rapport, intitulé “Halte à la croissance”, l’assemblée dénonce tous les problèmes dont nous avons aujourd’hui tous conscience, qui pour autant se posent encore. Grossièrement, le rapport démontre que la croissance à ses limites, que l’activité économique pollue, et que si nous continuons comme ça, le monde s’effondrera purement et simplement. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, le fait qu’une large assemblée d’hommes et de femmes faisant partie de l’élite des communautés scientifiques du monde entier nous avertisse que le monde se dirige vers une fin certaine n’a pas été bien suffisant pour tirer la sonnette d’alarme. Face à l’annonce qu’il était temps de faire le deuil du merveilleux système qui nous procure tant d’opportunités, l’humain a mécaniquement réagi comme il est programmé pour réagir dans une situation de deuil : par le déni. Au lieu d’accepter la véracité de ces faits scientifiques méthodiquement prouvés, nous nous sommes obstinés dans le déni, préférant s’enfermer dans l’illusion que ce système pourrait perdurer. Un peu comme un homme qui prendrait connaissance de son cancer mais qui refuserait de se soigner, par peur d’avoir à faire face à cette réalité. Le rapport Meadows a ainsi été perçu par l’opinion publique comme porteur d’une vision catastrophiste, et le monde a décidé d’ignorer cet avertissement, préférant continuer à se goinfrer d’une croissance empoisonnée.

Mais si le travail rigoureux de scientifiques parmi les plus qualifiés au monde n’a pas suffi à nous faire réaliser le problème, quelle autre solution peut-il bien exister ?

 

Aujourd’hui, bien heureusement, plus personne ne remet en question l’existence de la crise écologique au sens large. Globalement, le seul point qui peine encore à convaincre les derniers sceptiques est l’existence d’un lien de causalité entre le réchauffement climatique et l’activité humaine. Ceci dit, personne ne pourra remettre en question la pollution des mers et océans ou encore la toxicité de certaines molécules dégagées par l’activité humaine : il suffit d’aller à la plage en ville ou de prendre un grand bol d’air dans une centrale à charbon pour constater ces problèmes-là par soi-même. Mais si l’Homme sait maintenant à quel point sa propre activité le met autant en danger, pourquoi n’agit-il pas ? Pourquoi persiste-t-il dans ses activités ?

Prenons un temps pour prendre du recul sur la situation et se demander : quels sont les vrais problèmes ? C’est-à-dire ceux qui nous empêchent d’avancer vers la lumière dans ce tunnel sombre, ceux qui nous procurent ce sentiment d’impuissance que nous sommes si nombreux à ressentir ? Une fois identifiés les problèmes, il devient plus simple de réfléchir aux solutions.

 

À chaque problème sa solution : des normes mondiales pour se sortir de la paralysie environnementale

On est tous sur un même bateau, rond et bleu et qu’on appelle la Terre. Sur cette Terre, tout le monde vit sous la même atmosphère, tout le monde partage les mêmes ressources limitées et tout le monde pêche dans les mêmes mers et océans. Et s’il y a un trou dans le bateau, tout le monde risque la noyade.

On sait que le problème se pose à l’échelle mondiale. Le monde entier fait face à la même menace. Et en général, on ne traite pas un problème d’une certaine échelle par une solution appliquée à une échelle inférieure. De la même manière que si notre pays entrait en guerre, ce ne serait pas les régions ou les départements qui seraient chargés de le défendre. Pour autant, sur la question environnementale spécifiquement, le pouvoir exécutif préfère adresser le problème à des échelles nationales, régionales ou locales. Bien que ces efforts soient louables et nécessaires, ils ne sont pas suffisants.

Mais en réalité, il n’est pas si simple de coordonner le monde pour faire ce qui est juste. Tout le monde partage les mêmes ressources, certes, mais tout le monde ne partage pas la même situation. Il existe des hétérogénéités dans le monde, qui rendent la situation bien plus complexe que si tout le monde était confronté aux exacts mêmes problèmes. Même l’intérêt du bien commun, pour certains, passe après certains intérêts prioritaires. En ce sens, les deux principales catégories d’acteurs de ce monde, qui sont les pays et les entreprises, ont des raisons de ne pas vouloir se préoccuper de l’environnement.

  • Les pays, pour des raisons diverses (économiques, sociales, politiques etc.), peuvent choisir de faire passer certains intérêts avant celui de l’environnement. En effet, tous les pays ne peuvent pas se permettre de faire de la protection de l’environnement une priorité. L’exemple le plus parlant est celui des pays les moins développés. Les citoyens de ces pays-là sont généralement davantage préoccupés par leurs besoins vitaux immédiats (se nourrir, se loger…) que par la préservation de l’environnement Et comment leur en vouloir ? Il est normal de se soucier en priorité des urgences de court terme avant de s’intéresser à celles qui semblent plus “lointaines”. Et si ces citoyens ont la chance (ce qui n’est pas toujours le cas) d’être représentés par des élus démocratiques, on comprend que ceux-ci s’attellent en priorité aux affaires pour lesquelles ils ont été élus. Le problème qui se pose est donc : comment faire adhérer ces pays, pour qui le problème environnemental n’est pas une priorité, à un mouvement global de protection de l’environnement ?
  • Des normes sont déjà en place pour réglementer l’activité des entreprises et limiter la pollution, me direz-vous. À cela je vous répondrai : oui, mais pas partout, et les entreprises, qui ne sont pas des acteurs publics mais des acteurs privés, peuvent installer leurs activités n’importe où dans le monde du moment qu’elles en ont les moyens. Or, la mise en place de ces normes représente un coût supplémentaire à la production pour les entreprises concernées. De plus, les entreprises les plus polluantes, qui sont donc celles qui ont la plus grosse activité, sont naturellement les entreprises avec le plus de ressources, c’est-à-dire celles pour qui délocaliser ou extérioriser n’est pas vraiment un problème. Suivant cette logique, plus les normes environnementales seront fortes dans un pays, plus les coûts pour les entreprises sur place seront élevés, plus il sera rentable pour les entreprises de passer par des pays qui comptent sur cette absence de normes pour attirer des capitaux, plus ces entreprises pollueront. Retour à la case départ.

Partant de ce constat moyennement encourageant, imaginons un instant que nous décidions de mettre en place une Organisation Mondiale de l’Environnement. Quels changements pourrait-elle apporter sur ces deux situations ?

  • Pour les pays ayant d’autres priorités, cela leur permettrait de se décharger de cette responsabilité environnementale. Les pays concernés devraient certes donner leur accord pour transférer cette partie de leur souveraineté à une autorité compétente, mais tant que cela ne les empêche pas de conduire le reste de leurs affaires tranquillement, cela ne devrait pas trop poser de problèmes. D’autant plus que pour beaucoup d’entre eux, cette OME leur apporterait plus d’avantages que d’inconvénients, notamment sur le plan de l’exploitation des ressources stratégiques sur leur territoire. La mise en place de nouvelles normes permettrait d’assurer notamment de meilleures conditions de travail et une meilleure redistribution des revenus que les entreprises privées, en ayant recours à des prix administrés par exemple (cf. article à venir sur l’exploitation des métaux rares & autres ressources stratégiques).
  • Concernant les entreprises, la mise en place d’une OME permettrait de mettre un terme définitif au dumping environnemental. En effet, si tous les pays (sans exception) adhèrent à la même organisation, les entreprises seraient mécaniquement privées d’endroits où échapper au coût que représente le respect des normes environnementales. Si on applique les mêmes normes pour tout le monde, elles n’auront pas d’autre choix que de s’y plier. De plus, la disparition du dumping entraînerait un regain de souveraineté des pays sur la sphère privée. Le pouvoir des entreprises serait fortement diminué au profit de celui des pays, ce qui semble plutôt légitime étant donné que l’un est soumis au bénéfice et l’autre non.

 

Alors certes, la plupart des entreprises risquent de bouder ce scénario, y compris celles qui se donnent une image verte pour faire croire au consommateur qu’il est “responsable”. Mais malheureusement, il est tout bonnement impossible de contenter tout le monde si on veut vraiment changer les choses. Et les seuls qui ont le pouvoir de changer les choses, ce ne sont pas les entreprises, mais bien les pays, qui sont (en théorie) libres de tout intérêt pécunier et qui visent (en théorie) à fournir le plus de bien-être possible à leurs habitants. Et les pays, eux, auraient plutôt intérêt à supporter un tel projet : les moins développés bénéficieraient de tout ce que l’OME peut leur offrir sans en assumer la responsabilité politique, et les plus riches cesseraient de souffrir de la fuite des entreprises privées vers des pays où les normes environnementales sont faibles voire inexistantes. Tout cela sans compter, bien sûr, une planète en bien meilleure forme !

 

Sources :

Sources photo : Pixabay, banque d’images libres de droit.

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