Si Thomas More écrivait Utopia de nos jours, il raconterait sûrement que « dans ce pays, la police avait pour rôle de défendre et de protéger les citoyens ». Mais, me rétorque Mathilde, c’est déjà son rôle dans la réalité ! Seulement voilà, Mathilde vit dans une grotte, et n’est pas au courant de ce qui se passe. Elle n’a pas vu sur les réseaux les images de l’évacuation du campement de réfugiés place de la République par la police (en plus des Compagnies de Sécurisation et d’Interventions et des gendarmes étaient présents des effectifs de la Brigade Anticriminalité, présence sur laquelle je ne cesse de m’interroger : quelle était la nature du crime ?), ainsi que le passage à tabac de Michel, un producteur parisien par 3 policiers parce qu’il ne portait pas son masque. Précisons que Michel est un homme de couleur, ce qui n’a vraisemblablement pas joué en sa faveur puisqu’il s’est vu se faire insulter de « sale nègre ». Et hop, le mot « égalité » de notre devise est écorché. Après avoir agressé Michel, les policiers le placent en garde à vue pour « rébellion » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité public ». En clair, ils accusent Michel de les avoir violentés.
C’était sans compter sur des images captées par des voisins de l’immeuble du studio de musique où a eu lieu l’agression, et des caméras de vidéosurveillances. On y voit les images violentes, choquantes, de trois policiers s’acharnant sur un seul homme : coups de genoux dans la tête, gestes d’étranglement, coups de matraque… La liste est longue. Si la vérité a pu être rétablie grâce à ces vidéos, combien de victimes dans le même cas ont été déclarées coupables sans défense possible, faute de preuves ?
Et oui, vous voyez où je veux en venir : l’article 24 de la proposition de loi n°3452 relative à la sécurité globale. Article qui, je cite, punit « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. ». Aussi, les personnes ayant filmé l’agression de Michel et l’évacuation de la place de la République si l’article était déjà en vigueur. Nous serions donc punis, pour détention de la vérité. Les journalistes sont déjà montés au front, des manifestations ont lieu, l’ONU a épinglé la France, mais rien n’y fait. Le gouvernement semble n’en faire qu’à sa tête, tel un enfant boudeur, ou un adulte trop sûr de lui qui ne se remettrait jamais en question.
Pour Michel, pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir des images pour rétablir la vérité et les innocenter, pour ces réfugiés, qui, ne demandant rien d’autre qu’un toit, se sont retrouvés, apeurés, poursuivis dans les rues de Paris par ceux que nous appelions « les gardiens de la paix ». Il faut réagir. Encore et toujours. Parce que ce n’est pas ma France, ce n’est pas notre France ; ce n’est pas la France. Ce n’est plus la France, le Pays des droits de l’homme, qui s’éloigne un peu plus de la liberté de l’expression. Qui s’éloigne un peu plus de la liberté. Et ce jour-là, où notre liberté aura disparu, qu’adviendra-t-il ? Car, pour citer Victor Hugo : « Qui n’est pas libre n’est pas homme ».
- 29 novembre 2020
- Enora Le Torrec
Cela ne doit pas arriver ici.
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