Avant la fin de mon échange, je tenais absolument à faire un petit voyage en solo. Une sorte de voyage dans le voyage, une mise en abime, une « voyageception », appelez ça comme vous voulez. Pour la destination, je n’ai pas hésité longtemps. J’ai simplement laissé parler mon adolescente intérieure. Tokyo a toujours été un de mes rêves ultimes, un fantasme qui a été, il faut l’avouer, beaucoup nourri par mes visionnages d’animes. Je voulais me sentir comme Shinji ou Tetsuo, errer dans cette ville bien trop grande pour une seule vie humaine. Je voulais aussi surtout ressentir, percevoir une autre énergie.
Je vais donc tenter de transmettre avec des mots mes impressions de ces quatre jours de voyage dans la plus grande ville du monde.
JOUR 1 : ATTERRISSAGE, SHINJUKU, SHIBUYA ET HARAJUKU
Lever à 5h pour rejoindre l’aéroport de Songshan, celui-ci a l’avantage d’être à deux arrêts de bus de mon dortoir et en pleine ville. J’ai donc pu profiter d’une impressionnante vue sur Taipei 101 lors du décollage. Mais c’est surtout l’atterrissage à Haneda qui m’a le plus impressionné. L’aéroport est au ras de l’océan, à quelques mètres près, mon avion atterrissait dans l’eau. Le voyage a à peine commencé et je suis déjà impressionnée, par un aéroport, je ne suis pas au bout de mes peines.
Munie de ma carte Phasmo de touriste, je dois désormais affronter mon pire ennemi : les transports en commun. Je ne sais pas si vous avez remarqué, Tokyo c’est un peu étendu, donc le réseau de transports l’est tout autant. Plusieurs compagnies se chevauchent pour assurer le déplacement des voyageurs. Heureusement pour moi une ligne directe depuis l’aéroport me conduit jusqu’en ville et à pas n’importe quel endroit de la ville : Shinjuku. C’est là-bas que le danger guette, car cette gare est un labyrinthe interminable. Il n’y a pas moins de 50 bouches de métro différentes. Pour rajouter un peu de panache à ma confusion, je n’avais pas anticipé les détails impliquant la téléphonie. Résultat : pas de carte sim, pas de réseau, pas de Google Maps. Pas de Google Maps, pas de Google Maps. Me voilà donc réellement perdue comme Scarlett Johansson.
Après avoir tourné dans tout le quartier, je trouve enfin mon hôtel, au huitième étage d’un grand building. J’ai fait le choix d’un hôtel capsule, quelque chose de très répandu au Japon. Comme son nom l’indique, au lieu d’une chambre on dort dans une capsule. C’est certes plus petit mais c’est économique, et c’est idéalement placé puisque la gare de Shinjuku juste à côté peut nous emmener de partout en ville. Ce que je fais immédiatement après m’être installée. Je prends le métro pour pouvoir faire comme tout touristes qui se respectent : aller voir le carrefour de Shibuya. Le nom vous dit forcément quelque chose, surtout si vous êtes amateurs de rap français. Il s’agit ni plus ni moins du carrefour le plus emprunté au monde. Népal accompagne mes pas alors que je traverse le fameux passage piéton croisé, histoire de faire un peu plus iconoclaste. Une fois cette formalité accomplie, je me donne comme objectif de remonter vers le nord de la ville à pied, où se situe mon lieu d’habitation provisoire. Shibuya ne se cantonne pas seulement à un simple carrefour piéton, c’est un quartier très fréquenté, très prisé pour le shopping et baignant dans les enseignes lumineuses. Beaucoup de marques mais aussi pas mal de petits magasins de niches pour trouver des vieux jeux, des figurines, des DVDs etc…
Cependant, la fashionista que je suis s’est un peu plus attardée à Harajuku. Harajuku c’est LE quartier pour les férus de mode et de styles alternatifs. Tout ce qui entoure l’esthétique « Lolita » vient de là-bas par exemple. Les ados y ont tous des looks incroyables. On y trouve aussi des friperies bien sympathiques, avec des prix qui feraient pâlir celles de Presqu’Ile. Ensuite, la soirée se passant vite, il était temps de se nourrir. J’arrive par miracle à remonter jusqu’à Shinjuku, avec comme seul guide le toit lumineux d’un gratte-ciel. Je vagabonde, comme Ken Samaras. Le quartier de Shinjuku devient bien plus intéressant et animé une fois la nuit tombée. Les immeubles s’illuminent, les restaurants et autres établissements étranges avec serveuses déguisés en soubrettes ouvrent et les gens sortent de la terre. Les salarymen japonais qui sortent du travail s’attablent entre collègues dans les Yokocho. Ce sont des ruelles étroites où l’on trouve des petits restaurants typiques. L’inconvénient est qu’ils sont vite remplis et entre les touristes et les groupes d’employés, je n’ai pas pu me trouver une petite place. Je jette donc mon dévolu sur un grand établissement rempli de touristes. Je commande des brochettes et des gyozas, rien de bien spécial mais ça rempli le ventre. Et je me dis que je me rattraperai demain.
JOUR 2 : OUEST DE LA VILLE, UN TEMPLE, TOUR DE TOKYO
Pour le programme, il faut se lever tôt. Je souhaite commencer la journée par le temple de Meiji-Jingu dans le sud-ouest de Tokyo. Mais avant il faut régler le problème du petit déjeuner. N’ayant pas pris de formules, j’opte pour la solution de facilité ultime : le kombini. Je ne l’avais pas évoqué dans les blogs précédents mais ces petites superettes multitâches ouvertes 24/7 font partie intégrante de mon paysage quotidien depuis quatre mois, il y en a absolument partout. Les kombini ou convenience store de type Seven Eleven ou Family Mart sont de véritables graals pour les marcheurs égarés en quête de boustifaille pas chère, de chargeur, de produits d’hygiène, de wifi etc…Ils sont très présents au Japon ainsi qu’en Asie en général. A Taipei par exemple, impossible de tourner la tête sans voir l’enseigne lumineuse d’un Seven Eleven au bout de la rue.
Le petit déjeuner avalé, je me rends dans le labyrinthe de Shinjuku. Direction la Station Yoyogi et le temple de Meiji-Jingu. Ce temple shintoiste a été construit au début du 20ème siècle pour commémorer l’empereur Meiji, d’où le nom. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est le fait qu’il soit bâti au milieu d’une petite forêt. En entrant, on se sent tout de suite beaucoup plus sereins, malgré la foule. Le chemin jusqu’au temple entouré par de grands arbres est parsemé de grandes portes en bois devant lesquelles les visiteurs se prosternent religieusement les mains jointes avant de reprendre la marche. Une fois devant l’édifice, on trouve des lavabos ainsi qu’une notice précisant la démarche à suivre. Car il faut purifier son âme avant d’entrer dans le temple, pour cela il faut se laver les mains et la bouche dans des gestes précis. Je m’y plis comme tous les visiteurs, par respect pour la culture du pays où je me trouve. De plus, c’est toujours intéressant de voir comment fonctionnent les différents rituels religieux. Le temple en lui-même est beau et imposant, tout de bois et organisé d’une cour. C’était un court moment de sérénité avant de retourner à l’excitation de la ville.
Ensuite, je me dirige vers la fameuse tour de Tokyo. Sans doute le monument le plus emblématique. C’est simple, comme notre Tour Eiffel, on la voit dans tous les films, toutes les séries qui se passent à Tokyo. Le parallèle n’est d’ailleurs pas fait par hasard puisque le design de la tour serait directement inspiré de celui de la Dame de fer. A la différence que la tour tokyoïte est un peu plus colorée et posée de manière un peu plus aléatoire dans le paysage. On sent que le but premier n’est pas le même. Pour mieux profiter de la tour il faut prendre un peu de distance. Le parc Shiba quelques rues plus loin offre une vue parfaite pour cela, en plus d’avoir le meilleur nom. Je m’éloigne petit à petit de la Tour de Tokyo pour remonter progressivement vers le Nord. En faisant coucou au palais impérial au passage, en m’arrêtant à chaque plan ou panneau que je trouve, le tout en sirotant une petite bouteille de thé vert chaud achetée dans un distributeur de passage. Là encore comme les kombinis, il y en a de partout. Je tombe enfin sur un petit restaurant semblant sympathique. La commande et le règlement se fait sur une borne à l’entrée, je fais confiance à la chance et choisis à l’aveugle. Pas de réseaux, pas de Google Traduction, on ne le rappellera jamais assez. A l’intérieur, on est installée à une table circulaire nous permettant d’observer les cuisiniers. Mon plat est un bol de ramens, servi dans un bouillon bien odorant, accompagné de légumes et d’un généreux morceau de viande que je devine être du lard. Autant dire que je savoure chaque bouchée. Autour de moi l’ambiance est calme, presque studieuse. Les clients étant le nez dans leur bol de nouilles, et faisant le plus de bruit possible en mangeant. Ce qui paradoxalement participait au charme du lieu. Comme une charmante simplicité. Et c’est sans doute ce que je retiens le plus de cette ville.
JOUR 3 : KAWAGUCHIKO ET MONT FUJI
Aujourd’hui, c’est un petit peu spécial. On peut même dire que c’est une parenthèse dans la parenthèse. Je vais voir le mont Fuji. Me sortir la tête des buildings. Enfin, plus précisément, je vais à Kawaguchiko. Une ville à une heure et demie de la capitale où l’on peut admirer la plus haute montagne du pays. Pour s’y rendre, il faut prendre le train, le Fuji Limited Express de la compagnie JR East que l’on doit prendre à *roulement de tambours* la gare de Shinjuku. Heureusement j’avais pris le temps de faire du repérage, pour ne pas me retrouver sur le mauvais quai ou encore mieux, à Hokkaido. Assise du coté fenêtre, je peux profiter du paysage qui défile, les immeubles et les câbles électriques laissant progressivement leur place à la campagne, aux champs et aux petites maisons. Comme quoi toutes les métropoles ont une limite, même la plus étendue au monde. Au loin le mont Fuji commence à se profiler petit à petit.
Le train arrive en gare vers environ 9h, je repars au soir vers 18h. Ce qui me laisse tout le temps d’explorer les environs. Je commence par déambuler dans les rues alentour, entre les maisons et les magasins encore fermés. Bien qu’il y ait beaucoup de visiteurs et de touristes, le cadre est paradoxalement plutôt tranquille. Au bout de la vallée, la montagne vedette veille, la symétrie presque impeccable, le sommet dégagé. Pour continuer l’exploration, je me dirige au bord du lac Kawaguchi, où il y a déjà un peu plus de monde. Notamment une longue file d’attente pour une télécabine montant tout droit dans les collines. Sans doute pour aller voir le mont Fuji depuis le belvédère. Mais ce n’est pas le genre de la maison d’attendre une heure, surtout quand il y a des chemins de randonnée pour y accéder. Une bonne demi-heure de marche plus tard, me voilà au spot parfait pour une photo souvenir. Les autres touristes ont d’ailleurs eu la même idée que moi et comment leur en vouloir. La vue est magnifique. Le mont Fuji dominant la vallée et la ville en contrebas. Le tout sur un ciel bleu, les quelques nuages présents épousant la courbe de forme exponentielle de la montagne.
Ce décor idyllique me suit pendant la descente mais aussi jusqu’au déjeuner. Puisque à travers la baie vitrée du seul restaurant pas encore plein, je déguste mon bol de curry japonais en tête à tête avec la montagne. Une sorte de date avec le mont Fuji.
Le reste de l’après-midi, je le passe à gambader, à m’attarder sur des coins et des recoins. Et j’achète bien-sûr des goodies en tout genre en bonne pigeonne, Kawaguchiko fourmille de boutiques souvenirs. Le genre de boutiques qui me ramène toujours en enfance en bord de mer ou au pied du massif du Mont-Blanc, et le fait de les retrouver dans toutes les destinations touristiques a quelque chose d’assez réconfortant. Partout dans le monde, je trouverais un magnet estampillé à ramener à ma grand-mère.
Je retourne à la gare à la tombée de la nuit. Le mont Fuji, sombre et imposant, se dessine dans le ciel. Ma dernière vision de cette montagne sacrée, emblème du pays, avant de retrouver les lumières de la ville.
JOUR 4 : EST DE LA VILLE, REBELOTE UN TEMPLE, YANAKA ET AKIHABARA
Pour mon dernier jour à Tokyo, je m’en vais explorer l’Est. L’Est qui, si on en croit l’autrice June Fujiwara, a une atmosphère réellement différente des quartiers de l’Ouest. Je vous conseille d’ailleurs la lecture de son livre « La Parfaite Tokyoïte », elle arrive vraiment à cerner cette impression constante d’extraordinaire incorporée au quotidien. Pour commencer la matinée sereinement, après mon traditionnel café au Family Mart, je prends le métro direction Nezu-Jinja, un autre temple shintoïste. Plus petit, plus humble et discret que Meiji-jingu mais non pas sans attrait ou intérêt. L’astuce que j’ai trouvée pour visiter les temples en toute tranquillité est la suivante (et est diablement simple) : arriver tôt. Comme lorsque l’on se rend en TD à 8h en fait. A cette heure-ci, il n’y a presque personne, parfait pour s’imprégner de la sérénité des lieux. J’aime aussi particulièrement la couleur qui domine l’architecture : le rouge. Le rouge pourpré du temple en lui-même, ou encore le rouge chatoyant des petites portes en bois qui se succèdent sur la colline aux azalées. Les quelques visiteurs que je croise sont des familles. Des parents et des grands parents tout fières, prenant en photo leur fille et petite-fille parées à l’occasion d’un kimono traditionnel. Des couleurs en plus à rajouter à la palette.
En sortant du sanctuaire, je me retrouve dans le quartier de Yanaka, qui fait partie de ce que l’on appelle le vieux Tokyo. Et c’est effectivement une autre énergie que je perçois. On est loin de l’agitation de Shinjuku ou de Shibuya. Les rues sont calmes, pas le moindre chat qui se balade. L’architecture est également très différente. Les immeubles sont plus bas, moins imposants, mais aussi plus colorés. Cette partie de la ville ayant peu subi les bombardements pendant la Seconde Guerre Mondiale, on peut donc également y trouver des petits temples de l’époque d’Edo. Au loin, on peut apercevoir la Tokyo Skytree, le plus haut gratte-ciel de la ville et deuxième plus haut du monde accessoirement. J’ai vraiment aimé ce petit détour, retrouver un bout de ville à taille humaine en plein cœur de cette métropole tentaculaire. Si le temps ne pressait pas, je m’y serais volontiers attardée la journée entière.
Je prends à tâtons la direction du Sud. L’objectif est l’Eldorado des touristes et des geeks, à savoir Akihabara. Ce quartier très prisé est réputé pour ses magasins d’électroniques, de mangas et de leurs produits dérivés ou encore pour ses bornes d’arcades et ses magasins « tax free », un bon moyen de faire des affaires et de trouver des cadeaux. Je commence sur le chemin par DondonDonki, équivalent japonais d’Action dans le sens où l’on trouve tout et n’importe quoi. Des peluches, des goodies, des snacks, du saké, je ne peux que trouver mon bonheur. Arrivée à Akihabara, une première chose frappe : les couleurs flashy qui te grillent la rétine. C’est simple, les bâtiments ressemblent à un PDF de cours surligné dans tous les sens au Stabilo. La deuxième chose, c’est le monde. Comme l’impression d’avoir changé de ville, en contraste avec Yanaka.
Je me mets à explorer les différents magasins. Entre deux boutiques souvenir, je tombe sur une échoppe disons particulière. Aux premiers abords, celle-ci semble tout à fait normale, avec des mangas, des DVDs d’anime etc…Les choses se gâtent lorsque l’on décide de s’aventurer à l’étage. Tout pays a ses défauts et sa part sombre, le Japon et sa production de contenu pour adulte impliquant des mineurs ne fait pas exception. Je ne sais pas ce qui amplifié le plus mon dégout, les posters un peu trop suggestifs ou la clientèle composé d’hommes en costume en âge d’être père. Morale de l’histoire, ne soyez pas trop curieux à Akihabara et ne montez pas à l’étage.
Pour laver mes yeux et me changer les idées, je me réfugie dans un restaurant. Un restaurant à poissons plus précisément, histoire de changer du porc que je mange en quantité non négligeable depuis quatre mois. Je choisis de l’Unagi, c’est une anguille d’eau douce très appréciée et consommée par les Japonais. Elle est servie grillée et laquée de sauce sur une belle portion de riz, accompagné d’un bol de miso. Le genre de chose que l’on ne mange pas tous les jours. A vrai dire, je n’avais jamais fait l’association d’idée entre cuisine et anguilles jusqu’à ce que je découvre Maïté. Le goût est vraiment unique, on retrouve à la fois la texture du poisson classique et également un petit côté gluant pas désagréable. Si vous avez l’occasion de tester l’unagi, foncez!
Après ma découverte de Akihabara, j’ai comme une envie de retourner en terres connues. Je trouve le métro le plus proche et retourne à l’Ouest. Prochaine station : Shibuya. De jour cette fois-ci. Je ne m’y attarde pas outre mesure. Mon objectif est Harajuku et ses friperies. Quoi de plus significatif et personnel comme souvenir d’une destination qu’un vêtement chiné. La perle rare une fois dénichée, je retourne à Shinjuku. Profiter une dernière fois, une dernière nuit des lumières et de la vie grouillante. Cette ambiance, je ne la retrouverai nulle part ailleurs.
Le lendemain, je suis déjà de retour à Taipei. Il me reste deux jours pour profiter de la capitale taiwanaise avant de retourner à la source, à la grisaille lyonnaise hivernale. J’espère tout de même un jour repartir au Japon, à Taiwan et en Asie en général, y revoir tous ces lieux et ses visages familiers, mais aussi en découvrir d’autres.
Playlist de voyage: https://www.youtube.com/playlist?list=PLVErcNpMWpNf334FO0EFc99guCDDvkC05